Les propos de Nicolas Sarkozy, tenus à Michel Onfray dans Philosophie Magazine (n°8), et dans lesquels il inclinait…

Les propos de Nicolas Sarkozy, tenus à Michel Onfray dans Philosophie Magazine (n°8), et dans lesquels il inclinait « à penser qu’on naît pédophile », et que le suicide des jeunes venait « d’une fragilité préalable chez certains », n’ont pas manqué de faire du bruit et de susciter les réactions. Pour les uns, ces propos sont indignes, pour d’autres, ils sont révélateurs d’un état d’esprit et d’une certaine vision de la société.

Soucieux de mieux comprendre, Emmanuelle Carre et Nicolas Condom ont rencontré Axel Kahn à l’Institut Cochin, à Paris. Axel Kahn, éminent généticien, connu pour ses travaux sur les maladies génétiques et la thérapie génique, ses écrits philosophiques, mais également pour sa personnalité controversée, s’est toujours élevé vivement contre le réductionnisme et le déterminisme génétique. A la question « quelle est la part de l’inné, quelle est la part de l’acquis, chez chacun », il répond sans hésiter « nous sommes 100% acquis, 100% inné ».

Les propos de Nicolas Sarkozy ne l’ont pas surpris. Au contraire. Ils sont pour lui révélateurs d’un état d’esprit, et sont proches des idées d’un courant idéologique, né au 19ème siècle en Grande-Bretagne, qui a beaucoup influencé la Nouvelle Droite. Ce courant part du principe que le destin de l’homme est fixé, déterminé, que les hommes ne sont pas libres, et inégaux par essence.
Très vite, cette idéologie est devenue « idéologie scientifique », c’est-à-dire se servant des arguments que pouvait lui fournir la science pour se justifier. Aristote affirmait déjà en son temps que certains naissaient esclaves. Les Grecs appelaient barbares tous les non-Grecs. Cette idéologie, de supériorité des uns et de « rejet de l’autre », a conduit aux pires désastres, comme l’a montré le nazisme.

Selon Axel Kahn, de telles positions portent à penser que si l’homme est déterminé génétiquement, la société n’est pour rien dans les désordres qu’elle connaît, et dans le fond, ne peut rien y faire. Or, poursuit-il, « affirmer que la société n’y est pour rien, est aussi faux que d’affirmer qu’elle peut tout, mais politiquement, la première affirmation est nettement plus grave. »

Le généticien a ensuite fait une réflexion plus précise sur la délinquance sexuelle. Il a reconnu, et fermement condamné, que le fait de déclarer un pédophile génétiquement conditionné à produire de tels actes, lui ôtait toute responsabilité. Et du même coup, l’excluait de « la communauté des êtres libres et autonomes ». Or, « pour le réhabiliter, il vaut mieux qu’il soit responsable et non retranché de cette communauté. »

Enfin, sur les propos de Nicolas Sarkozy, Axel Kahn s’est amusé à tenir une petite réflexion: si le monde est ce qu’il est, et qu’on ne peut que s’y adapter; si les êtres ne peuvent être changés; si Nicolas Sarkozy veut être le président d’une République à laquelle il ne pourra rien changer, pour laquelle il ne pourra rien faire…. « A quoi bon l’élire? », souligne t-il, malicieusement, et de façon partisane.

Interview réalisée par Emmanuelle Carre, Nicolas Condom, Ludovic Tourte et Bruno Martin.

N.B: Axel Kahn vient de publier, aux éditions Nil, son ouvrage L’homme, ce roseau pensant… , qui traite en grande partie de ces questions sur l’inné et l’acquis.