UN MORT EN GUADELOUPE

La crise en Guadeloupe a atteint son paroxysme avec la mort d’un syndicaliste membre du LKP. Ce mercredi, le retour au calme à Pointe-à-Pitre était marqué par une marche silencieuse. Dans le cortège se trouvait Matthieu Martin, l’envoyé spécial de latelelibre.fr, arrivé mardi.

« Les gens en ont ras le bol ! » résume Matthieu, qui vient de sauter de l’avion, et qui vient de trouver un hébergement. l’ambiance est calme mais tendue, nous confiait notre correspondant joint par téléphone vers 20h, heure française. Vu la situation, Il a plus que jamais besoin de soutien.

En deux jours de scènes de violence, la tension est à son comble avec la mort, mardi à 0h30 heure locale, de Jaques Bino, de la CGT-G, membre actif  du « collectif contre l’exploitation » (LKP). Celui-ci rentrait d’une réunion où la décision avait été prise de maintenir les barrages avec la volonté de calmer les jeunes. A l’approche d’une barricade, dans la cité Henri IV du quartier Chanzy, il tente  de faire marche arrière, avant d’être touché par une balle en plein thorax.

Dans la matinée de mercredi, une explication est vite trouvée, « trop vite » confirme Matthieu. « Des jeunes » auraient tiré sur la police présente sur le lieu du drame et une balle perdue aurait touché ce père de famille de 47 ans. En fin de journée, l’information est démentie par le procureur de Pointe-à-Pitre. Il affirme que le véhicule de Jaques Bino a été touché par trois tirs. « Ils ont pris à priori la voiture pour un véhicule de la brigade anti-criminalité (Bac) » avance Frédéric Péchenard, le directeur de la police nationale.

Depuis 24H de plus en plus de vidéos amateurs ont été postées sur la toile :

A quelques kilomètres de Point-à-Pitre, à Petit-Bourg : une avancée groupée de CRS devant un groupe de jeunes, provocateurs. Quelqu’un essaie de les calmer :

Affrontement de jeunes face aux CRS à Le Gosier dans la nuit de lundi :

Pointe-à-Pitre au lendemain des incidents de lundi :

UNE MONTEE EN TENSION
Après 26 jours de grève générale pacifique, la situation a commencé à se détériorer avec la levée des barrages, amorcée lundi, qui a entraîné son lot d’interpellations de militants et de syndicalistes. Lundi, le secrétaire général de la « Centrale des travailleurs unis » (CTU), frappé à un barrage par des gendarmes, aurait été traité de « sale chien », a-t-il affirmé à la radio. Résultat : cinq jours d’incapacité de travail.

Elie Domota l’avait annoncé déjà la semaine dernière : des violences verbales ou physiques des forces de l’ordre envers des syndicalistes ou militants, risqueraient de mettre le feu aux poudres. Le 16 février, sur la chaîne locale Canal 10, il déclarait même : « si un membre du LKP ou un manifestant est blessé, par un agent de sécurité armé, il y aura des morts ». Appel ou mise en garde, le leader du mouvement LKP, a tenté de tempérer ses propos en demandant mardi, en milieu de soirée, sur Radio Caraïbes International, de ne pas répondre aux « provocations » et de ne pas mettre la vie des autres « en danger », en vain, semble-t-il.

Les explosions de violence de la nuit de lundi ont trouvé un écho tragique dans la nuit de mardi. Des casseurs ont déclenché plusieurs incendies dans des commerces comme à la GUP, un magasin de pneus (voir la vidéo), tandis que les heurts entre policiers et jeunes se multipliaient, par exemple  devant le Carrefour, à Baie-Mahault, propriété du groupe Bernard Hayot et symbole du pouvoir béké sur l’île, où mardi en début de soirée, une centaine de personnes s’était regroupée. Certains étaient munis de fusils à pompe et des balles réelles ont été tirées.

Alliance, un syndicat de la Police Nationale, a dénoncé, dans un communiqué, « les violences et agressions commises envers les Policiers et Gendarmes » et condamne « le pillage et les actes d’agression par arme à feu ou tout autre moyen ».  Un peu moins de 600 gendarmes sont présents sur l’île, deux fois plus qu’en temps normal. Ils sont pourtant dépassés par les évènements, d’après Christian Vainqueur, délégué régional de l’UNSA-Police à Pointe-à-Pitre. Michèle Alliot-Marie a annoncé mercredi l’arrivée de renforts de quatre escadrons de gendarmerie. Dans l’émission « Questions d’Info » (LCP-France Info-AFP), Malek Boutih (PS) estime que les leçons de la crise des banlieues de 2005 n’ont pas été tirées : la majorité des forces de l’ordre est blanche, « une dimension politique et psychologique extrêmement importante. »

Alors que l’opposition critique la passivité, voire le mépris, du gouvernement, mercredi matin a été créé un « comité interministériel de l’outre-mer » qui se réunira « dans les prochains jours », selon Luc Chatel, porte-parole du gouvernement. Yves Jégo, qui, n’aurait pas tenu ses engagements, suite à un préaccord du 8 février sur une hausse des bas salaires de 200 Euros (il proposait en fait une exonération de charges à hauteur de 108 millions d’euros visant les entreprises de Guadeloupe qui ne paieraient « aucune charge sociale sur tous les salaires jusqu’à 1,4 smic »), a lancé un appel à la trêve pour relancer les négociations. Sortant de son silence, jeudi matin, le Président de la République rencontrera les parlementaires et présidents des collectivités territoriales de Guadeloupe et Martinique.
Adrien Kaempf

Mathieu Martin, notre envoyé spécial, reste en Guadeloupe pendant quinze jours pour couvrir les évènements à sa manière, au cœur de la population. Pour l’aider : UN COUP DE MAIN POUR NOTRE CAMERAMAN EN GUADELOUPE