Contrairement à sa soeur jumelle, Clémence, Anne-Laure est née polyhandicapée. Elle ne parlera ni ne se déplacera jamais normalement, mais elle progresse grâce à sa famille et à sa prise en charge dans un établissement spécialisé. LaTéléLibre a passé une journée avec elle.

Anne-Marie a été propulsée dans le monde des polyhandicapés après son dernier accouchement… Clémence et Anne-Laure sont venues au monde le même jour, en septembre 2010. De fausses jumelles, un peu plus différentes que les autres. Quelques jours après la naissance, leur maman cherche à comprendre pourquoi une des jumelles se développe différemment. Les premiers médecins qu’elle rencontre refusent de faire un diagnostic… mais elle réussit finalement à mettre un mot sur la différence de ce petit bébé : le polyhandicap. Un terme qui désigne une pathologie cérébrale qui peut avoir plusieurs causes, et entraîne des retards mentaux et des troubles moteurs, qui s’aggravent avec la croissance. Dans le cas d’Anne-Laure, c’est un problème dans le développement de son cerveau qui a empêché son corps de grandir comme celui d’une petite fille « normale ». Dès qu’elle emploie ce mot, « normal », Anne-Marie se reprend… « On ne sait pas qui est normal et qui ne l’est pas ! Si ça se trouve, nous sommes « différents » et Anne-Laure est la seule « normale. » »

Apprendre à communiquer

Cette mère au foyer a réussi à accepter la différence de sa fille au contact d’autres familles d’enfants polyhandicapés. Un processus facilité car Anne-Laure est entrée en septembre 2014 à l’IMP (Institut médico-pédagogique) – Les amis de Laurence. Un institut spécialisé pour aider ces enfants à grandir en exploitant un maximum de leur capacités mentales et physiques, pour qu’ils puissent communiquer et se déplacer au mieux. Depuis un an et demi, Anne-Laure a fait d’énormes progrès : elle maîtrise de mieux en mieux le makaton (un langage qui allie vocabulaire gestuel et symboles graphiques) pour s’exprimer, et prend petit a petit le contrôle de son corps. Les enfants entrent parfois très jeunes (2 ou 3 ans) et sont suivis dans le centre jusqu’à leur 20 ans. Une prise en charge précoce renforce les chances de progrès.

Pas de recensement des personnes concernées

Trente-six enfants sont accueillis à l’IMP – Les Amis de Laurence, un établissement financé par la Sécurité sociale, et par des dons, créé en 1974. Et 39 autres espèrent avoir une place à la rentrée… mais les délais d’attente sont très longs. Elisabeth Zucman est médecin, et Présidente d’honneur du groupe Polyhandicap France, auteure de Personnes valides, personnes handicapées : ensemble, semblables et différentes, elle se dit désespérée. D’après elle, les financements pour de telles structures n’augmentent pas car les besoins sont mal connus. Il n’existe aucun recensement officiel des personnes en situation de polyhandicap en France, qui pourraient bénéficier de prises en charges spécifiques. Pourtant la première Loi Handicap de 1975 préconisait déjà une identification des besoins, afin de développer les financements, rappelle Elisabeth Zucman.

Bien regarder

Il n’y a pas assez de places, beaucoup de familles sont en attente d’une prise en charge à domicile ou en institution… mais en attendant, même s’il n’y en a pas assez… ces structures existent, et certaines personnes en situation de handicap bénéficient d’un accompagnement de qualité. C’est ce que nous avons voulu montrer dans ce petit documentaire. L’occasion de bien regarder ces enfants pas « normaux » pour dépasser la peur et la pitié, et ainsi mieux les regarder.

Journaliste : Sarah-Lou Lepers
Images : Flore Viénot
Montage : Mars Lefébure

Ce reportage a été tourné en juin et novembre 2015

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