Je connais, et apprécie Philippe Motta depuis des années. Plusieurs reportages m’ont amené à Toulouse pour rencontrer  des…

Je connais, et apprécie Philippe Motta depuis des années. Plusieurs reportages m’ont amené à Toulouse pour rencontrer  des jeunes du quartier des Minimes, mes amis les Zebda ou après la catastrophe d’AZF. A chaque fois, ce fut un plaisir de retrouver ce journaliste de rue, la casquette vissée sur la tête, pigiste « indépendant » pour la Dépêche du Midi ou le Figaro, med_couvmottaqui me refilais confraternellement ses contacts. Pour rire, j’avais surnommé « Jack » cette fine plume au physique de jake la Mottataureau, à cause du boxeur, Jack la Motta, et je n’étais sans doute pas le seul.

Merci à toi Philippe, pour ton aide, ta conscience professionnelle et pour ton humour  que tu partages cette fois avec tous, à travers ton deuxième roman.

« Servir l’oubli » est l’histoire de « Jack Ethic » un « fédé » (fait-diversier), qui travaille pour Le Télégramme, le journal de Villerose. A l’occasion d’un accident mortel de la circulation, il va tomber sur un os. Avec son confrère du Matin, il découvre les liens consanguins qui unissent les élus locaux et les patrons d’entreprises. Marché de l’eau, concessions de cantines, permis de construire des parkings, jusqu’aux ordures ménagères où tout le monde se goinfre, au frais du contribuable.

Écrit dans un style libre, direct, imagé, on entend quelque fois la machine à écrire de San Antonio, ou Jean Gabin sous la plume de Jaques Audiard.

John Paul Lepers
Marie Périssé
Images: Matthieu Martin
Montage : Anthony Santoro

« Rien dans l’histoire du Télégramme n’avait jamais provoqué malaise plus palpable.
Même Jicé s’était senti sali. Plus que blousés, on était malheureux. Broyés jusque dans les articulations, sciés aux pattes ; deux ans, les mecs pensaient deux ans avant toi. J’ai senti sur l’instant que la joie que j’avais de croire partait en copeaux. Des hommes désormais devaient me faire peur : cet état de vigilance devenait la condition absolue de l’éthique : j’acceptais de me tromper mais je leur interdisais de me leurrer. »
Dans une ville comme il y en a tant, Jack traque le fait divers pour Le Télégramme,
un quotidien local. Un soir, le cador du chien écrasé renifle un titre, et on le renvoie à la niche. Pour le coup, il sort les crocs : le fait divers cache un fait d’hier qui remonte à la surface avec ses racines pourries et son présent vaseux.
C’est la lente et implacable désillusion d’un Pulitzer de province qui va passer sa ville au rabot parce qu’on lui demande d’oublier. Il va apprendre comment enfouir l’Histoire en écrivant l’actualité. Comment les villes et les journaux se sont fait avaler par des intérêts dont ils sont devenus le produit. Ne nous y trompons pas : ceux qui tirent les ficelles prospèrent en s’appuyant d’abord sur le vide sidéral laissé par notre renoncement.
Notre propension à l’oubli offre à ces puissances tentaculaires plus de garanties que
les verrous, pourtant démontables, de leur propre système… !
Éditions In8
ISBN : 978-2-916159-59-1
16×24 cm, 320 p. / 22 euros