Lors de la dernière manifestation des ultras anti-mariage-gay, on a surtout vu l’agression contre les Femen. En retrait ce jour là, LaTélélibre a plutôt donné la parole à ces militants convaincus que la loi naturelle et divine devait rester la loi des hommes et des femmes. Manif pour le « mariage pour tous » dimanche prochain.


Civitas manifeste, 9000 participants selon la police, entre 15 000 et 18 000 selon les organisateurs. Ils étaient en majorité des catholiques traditionnalistes et se sont réunis un dimanche  à Paris, pour manifester contre le mariage gay. Le même jour, les Femen avaient elles aussi décidé de protester. En début de manifestation vers 14h30, elles apparaissent  tête couverte de soutane, avec des slogans tels que «fuck your god » ou « fuck church » inscris sur leur torse dénudé. C’est en criant « in gay we trust » des extincteurs domestiques en guise de « holly sperm » en main qu’elles se sont dirigées vers la foule. C’est alors un déchaînement de violence en guise de riposte qui s’abat sur les 9 jeunes femmes. Malgré  notre présence durant toute la marche, nous n’avons pas assisté à cette scène de barbarie humaine. Pourtant il n’en fallait pas tant pour percevoir l’énergie parfois violente déployée par les manifestants. Ambiance…

Un peu avant 14h, ce sont des familles entières qui montent les escaliers du métro Ecole Militaire, se dirigeant vers le point de départ de la marche. Des pères, des mères, beaucoup d’enfants,  des ados, de jeunes adultes, des grands parents, tous viennent contester le projet de loi sur le mariage gay.  Sur le lieu de rendez-vous,  de nombreuses personnes sont déjà prêtes. Plusieurs cars sont garés aux alentours, les manifestants viennent de toute la France. Des pancartes sont distribuées par les organisateurs, on peut y lire différents slogans  comme « oui à la famille, non à l’homopholie »,  « la famille c’est sacrée », « un papa, une maman, pour tous les enfants ». Mais il y a aussi ceux qui ont laissé libre cours à leur imagination avec par exemple «  pas d’ovules dans les testicules ». Sur une banderole portée par deux hommes on peut aussi lire ceci : « S’appuyant sur la sainte écriture qui les présente comme des dépravations graves, la tradition a toujours déclaré que les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés ». Les mots sont durs et brandis à la vue de tous. Certains portent des croix chrétiennes, des drapeaux royalistes ou anti-révolutionnaires. D’autres participants vêtus de grandes capes rouges à l’effigie du Christ, eux viennent de «  l’ordre du chevalier Jésus Christ roi de Pologne ». Bref, ils sont nationalistes, fervents pratiquants parfois intégristes. Soit ils sont présents pour préserver le modèle familial traditionnel, soit ils veulent sauver la France en perdition morale. Certains appellent les homosexuels à trouver l’apaisement grâce à Dieu, d’autres affirment vouloir protéger les enfants.

Si durant la mise en ordre du cortège l’ambiance semble plutôt légère, cela ne dure pas. Alain Escada président de Civitas ainsi que du GUD, un groupuscule d’extrême droite,  est en première ligne. Il est entouré entre autre de Bruno Gollnisch et de Marie Christine Arnautu vice-présidente du Front National.  Juste avant le départ les étudiants sont appelés à rejoindre la tête du cortège. Tout le monde est prêt, Alain Escada se lance à haute voix : « la famille c’est sacré il faut la respecter » les manifestants répètent en cœur, le cortège est lancé.

L’atmosphère change, tout le monde crie avec force et violence les mots que le gouvernement doit entendre. Les enfants et les étudiants s’égosillent mais les personnes âgées ne sont pas en reste. C’est souvent le visage serré que la foule vocifère. Les manifestants ont la foi, l’évolution des mœurs, les avancées de la société ne font pas l’unanimité. Ces manifestants ne tolèrent pas que l’on parle ouvertement d’homosexualité ; pour certains, cette « déviance » doit rester cachée, en marge. Ils ne tolèrent pas que le modèle familial tel qu’on nous l’impose depuis la nuit des temps soit aujourd’hui remis en question. Ils voudraient même que l’Etat élabore des lois dans le respect de la parole de leur Dieu. Beaucoup pensent que l’avortement, le pacs et aujourd’hui le mariage gay font partie d’un plan de la Franc Maçonnerie pour éradiquer la chrétienté. Un plan qui commença avec la révolution française et la division du clergé et de l’Etat. La plupart d’entre eux se sont déjà mobilisés contre l’avortement. Ils ont pour habitude de protester contre tout ce qui porte atteinte à la pratique religieuse. Durant la manifestation, l’énergie est perceptible, certains slogans sont chantés sur des airs bibliques.

Le cortège est entouré d’un service de sécurité déployé par Civitas. Certains portent un gilet jaune fluo tandis que d’autres sont vêtus presque normalement ; veste en jean ou treillis,  gantés de cuir noir, souvent chaussés de Doc Marteens, crâne rasé ou presque. Ils sont derrière ou sur les côtés l’œil aux aguets, impossible  à interviewer même si beaucoup sont aussi présents en simple manifestants. Un curieux service de sécurité pour un rassemblement dit pacifique, dont les participants se posent en défenseur d’une morale religieuse.  D’ailleurs, ils seront de ceux qui s’acharneront physiquement sur les FEMEN plus tard dans l’après-midi.

Arrivé dans les petites rues derrière l’Assemblée nationale, Alain Escada clôt la manifestation par un discours virulent contre le mariage pour tous : « qu’est ce qui par la suite empêchera le mariage polygame ou incestueux »,  prenant l’exemple d’une grand-mère australienne voulant se marier à son petit-fils. Ou parlant de « caprice du lobby homosexuel » qui traite  les enfants comme des «marchandises». Pour terminer, il mène une prière générale, la foule chante à tue-tête, l’église a pris la rue.

A la nuit tombée, les cars remplis ramènent les manifestants chez eux. Les rues se vident, mais quelques jeunes activistes essayent encore de vendre leurs journaux royalistes.

Ayann Koudou
Image et montage: Khalid Nahi