Hollandie: et si PSA fabriquait des automobiles?
BSF soutenue par l’Etat
Or donc, PSA (Peugeot-Citroën) avait une banque nommé Banque PSA Finance (BSF) qui lui sert notamment à financer les achats de véhicules pour le compte de ses clients (elle fait du crédit pour permettre aux clients de la marque d acheter ses propres véhicules). Un industriel qui fait de la banque, ça peut paraître étonnant mais c est assez courant.
Oui mais voilà, cette activité d ordinaire très rentable (354 millions d euros de résultat net en 2011 ; http://www.banquepsafinance.com/docs/rapports/fr/rapports185.pdf) se trouve en difficulté. Notamment car les agences de notation l ont dégradée… à cause des difficultés de sa maison-mère.
Et l Etat, via Montebourg, se trouve alors obligé de voler au secours de la banque en lui offrant une garantie de 7 milliards d euros, de peur que la banque-maison n implose, entraînant avec elle Peugeot toute entière.
Heureusement, l Etat a demandé des contreparties. Mais sont-elles à la hauteur ?
Donc PSA possède sa propre banque qui finance environ le 1/4 des voitures vendues de la marque. Soit 655.000 véhicules en cours de financement au 31 décembre 2011 pour 17 milliards d euros dans des pays aussi variés (outre la France) que la Pologne, le Brésil ou le Mexique.
Souvenez vous, tout dernièrement, son président Frédéric Saint-Geours déclarait en pure novlangue managériale : « Cette performance commerciale a été rendue possible par le renforcement de l innovation dans le domaine des produits et des services, par leur déploiement soutenu et pragmatique et par l intensification des synergies avec les marques et des partenariats avec les réseaux. De même, l activité de services et d assurances développée par BPF a atteint un niveau de performances record avec un taux de pénétration de 161%.»
Trop beau !
Mais encore : « Dans un contexte où il reste difficile de prévoir l évolution du contexte économique, Banque PSA Finance a confirmé la robustesse de son business model soutenue par le déploiement progressif mais résolu du PSA Excellence System.»
Las, malgré toute la « robustesse du business-model », il semblerait que celui-ci ne tint pas la route. Un problème d électronique embarqué sans doute !?…
Et ces fameuses contre parties ? Dans le communiqué conjoint Montebourg/Moscovici (http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/13417.pdf), nous apprenons que l Etat va donner sa garantie à BPF à concurrence de 7 milliards d euros d ici 2015. Le projet sera quand même présenté au parlement et aux autorités européennes (qui pourraient peut-être y trouver à redire au nom du principe de concurrence « libre et non faussée »).
Qu’obtient l Etat en échange ?
En gros, de mettre son nez chez PSA en mettant en place un comité de suivi de la garantie qui aura son mot à dire sur la gestion maison. L Etat demande aussi un renouvellement du conseil de surveillance du groupe. Et la nomination immédiate d un administrateur indépendant et d un représentant des salariés. Cela suffira-t-il à faire le poids face aux 16 membres actuels du Conseil de Surveillance, comptant 4 Peugeot et des membres éminents tel que le baron Seillière et François Michelin ? Pas évident…
Mais peut-être l heureux salarié nommé au board aura-t-il la joie de recevoir 85.000€ de jetons de présence comme le baron cité plus haut en 2011 ? On peut rêver.
Mais ces « engagements », de quel ordre sont-ils ? Contractuels ? Contractuels avec des pénalités en cas de non respect ? Bref, s agit-il d une déclaration de pure forme pour faire plaisir au ministre ? Par ailleurs, PSA s est engagé (décidément …) à renoncer à tout dividende et programme de rachats d actions pour 3 ans. Là encore, pourquoi ne pas coucher cette parole de PSA par écrit quelque part, non ? Avec quelques rétorsions à la clef, au cas où. C est pas que je n ai pas confiance mais c est long 3 ans …
Malgré toutes ces bonnes volontés de gouvernance, quelque chose peut chagriner tout de même. Il y a d un côté une société privée, contrôlée par divers investisseurs et 25% par la famille Peugeot. La société est valorisée 2 milliards d euros (dont 500 millions pour la famille Peugeot, c est mathématique). De l autre côté, il y a la puissance publique qui nous représente tous, citoyens et contribuables.
PSA est aux abois. Dommage mais ça ne concerne pas l Etat sauf que, bien sûr, si PSA coule, plein de salariés seront au chômage et que ça retombera sur les bras de celui-ci, donc des contribuables. Mais nous avons in fine affaire à du droit privé. L Etat doit donc venir au secours de PSA, lui rendre un service. Ce n est qu une caution mais il faut bien qu il y ait des contreparties. Il y en a bien sûr, un accès limité à la gouvernance et des engagements sur l avenir qui ne valent peut-être pas beaucoup plus que le papier sur lequel est imprimé le communiqué. Et puis, faut-il payer (virtuellement) PSA pour conserver son activité ? Remarquez, même si ce n est pas très « libéral », c est courant.
Et si on nationalisait carrément ?
BPF est notée « BBB- » chez Standard&Poor’s. Ce n est pas encore catastrophique mais une note comme ça, en émettant des obligations, ne permet pas moins de 5% d intérêts annuels sur 3 ans (2013/2014/2015). Donc, si l Etat prêtait ces fameux 7 milliards à PSA jusqu à fin 2015, il pourrait en escompter 350 millions annuels ou encore 1 milliards sur la période !!
Ce qui n est pas moins de 50% de la valorisation de la société ! Pas grave, l Etat garantit les 10 milliards à PSA et devient majoritaire au capital (oui une nationalisation !!). La famille Peugeot n a plus que 12,5%, et alors ?
L Etat n aurait pas vocation à diriger Peugeot ? Pourtant, quand General Motors s est retrouvé au fond du gouffre et a dû passer en redressement judiciaire (le fameux article 11 outre atlantique), l Etat américain, tout libéral qu il soit, s est retrouvé avec 60% du capital du géant de Detroit. Remis sur pied, celui-ci a fait une bonne affaire. Et a pu céder sa participation à un bien meilleur prix. Pourquoi ce qui est acceptable et accepté dans le soi-disant paradis de l ultra-libéralisme ne l est-il pas en France?
Quant à Montebourg, acharné à faire accepter la séparation des banques de dépôts et des banques d investissement (la fameuse Glass-Steagall Act à la française), il devrait peut-être plancher sur le dossier industrie/banque. Est-ce vraiment sain qu un industriel se mette à faire la banque ? Cet industriel va-t-il être très regardant sur les risques qu il prend auprès des emprunteurs du moment que ceux-ci achètent des bagnoles du groupe ? (le gouverneur de la Banque de France non plus n en est pas sûr !…).
Sinon, Banque PSA Finance lance un livret d épargne en 2013 (http://www.cbanque.com/actu/33611/la-banque-du-groupe-peugeot-citroen-lancera-un-livret-epargne-en-2013).
Si vous avez quelques économies …
Lurinas
A suivre