Éditorial

D’abord trois parachutistes, Imad Ibn Ziaten à Toulouse le 11 mars, puis Abel Ghennouf et Mohamed Legouad à Montauban le 15 mars tombent sous les balles d’un tueur casqué. Quatre jours plus tard, c’est trois enfants, Myriam Monsonego (7ans), Gabriel Sandler (4ans) , Arieh Sandler (5 ans) et leur père Jonathan Sandler qui sont abattus dans la cour de leur école. Selon l’enquête qui démarre, c’est la même arme, et donc le même homme qui a tiré.

Un défi pour la campagne

Sept morts, sept Français, dont trois enfants. Très vite, l’origine ethnique ou religieuse des victimes augmente encore notre indignation : quatre juifs, trois noms d’origine maghrébine. Tout porte à croire qu’il s’agit d’une série de crimes racistes et antisémites, un des cancer de notre société. C’est dès lors un défi pour la démocratie, mais aussi pour la campagne en cours et pour les 10 candidats en lice.

Instantanément, la campagne présidentielle s’est figée. « Je suspends ma campagne » déclare le président Sarkozy. François Hollande en appelle à « l’unité de la République » et annule ses meetings et déplacements. A la télévision, le débat entre Marine Le Pen, Eva Joly et Arnaud Montebourg est reporté.

Retour du thème de l’insécurité

Que va-t-il se passer maintenant ? Pour l’instant, les candidats ont eu les mots justes pour faire face à cette « tragédie nationale ». Mais derrière les indignations et les minutes de silence, les équipes des candidats brainstorment pour adapter les stratégies. Dans un premier temps, le ton de la campagne, particulièrement agressif et violent devrait baisser d’un cran, ce qui ne serait pas inutile. Nicolas Sarkozy, qui a mis son site Internet en berne et qui suspend sa « participation à la campagne présidentielle jusqu’à au moins mercredi »  devrait y retrouver plus de dignité et bénéficier d’une prime au Chef de l’Etat. De plus, le thème de la crise, omniprésent jusque là, va céder la place à la sécurité, un thème souvent réactivé par la droite en fin de campagne. En février 2002, Jean-Marie Le Pen nous déclarait qu’une « bonne émeute en banlieue » le ferait « passer au premier tour ». Il n’aura pas son émeute souhaitée, mais à trois jours du 21 avril, les images de « Papy Voise », un vieil homme au visage tuméfié, cloué sur son lit d’hôpital suite à une agression, lui assureront un coup de pouce final qui participera à l’élimination de Lionel Jospin de la course à L’Elysée.

Images: Henry Marquis et François Godard

Vigipirate écarlate

Pour l’heure, la région de Toulouse, comme la campagne passe en mode « vigipirate écarlate », une première en France depuis la guerre du Golfe en 2001. Tous les regards sont maintenant tournés vers l’enquête de police. Passé les premiers jours d’émotion, la tentation d’exploiter politiquement ce fait divers horrible, se fera de plus en plus pressante. Les 130 inspecteurs dépêchés à Toulouse ont donc une pression maximum sur leurs épaules. Chacune de leur déclaration, chaque fuite dans la presse sera l’objet de récupération d’une des écuries présidentielles.

Attaque islamiste ou néo-nazi ?

Le super-flic Claude Guéant a déjà qualifié d’ « attentat » la série de crimes, mais il se refuse à choisir entre la piste de « l’extrême droite » ou de « l’islamisme violent ».  S’il ne fait aucun doute que l’assassin est un fou qu’il faut vite retrouver et enfermer, les motivations de ses crimes seront déterminantes pour la suite de la campagne. Si le tueur s’avère avoir agi au nom d’un certain Islam radical, les défenseurs d’une « civilisation supérieure » ou d’une France d’origine chrétienne « menacée par l’invasion » de la viande Hallal et d’étrangers « trop nombreux », se verront confortés dans leur stratégie de division ou de haine. Si au contraire, il s’agissait d’un activiste néo-nazi inspiré par Anders Behring Breivik, qui a massacré 77 jeunes militants en juillet 2011 en Norvège, les Cassandres en seraient pour leur frais, et les amalgames en cours entre idéologies sectaires et communautés ne pourraient être exploités à des fins électorales.

Espérons que Police et Justice pourront travailler en toute indépendance sur cette terrible affaire de Toulouse.

John Paul Lepers

 

Dessin: Mikaïa