Rama Yade est une ministre compliquée.

Elle est ici « interviewée » par Bruno Lestienne, un blogueur actif du Nord de la France. Il anime « le Blog de Roubaix » avec contance depuis des années. Il lui pose une question simple, « quelle chance représente l’Europe pour les quartiers ? ». Son regard affolé et sa réponse presque violente, laisse entrevoir son angoisse face à la représentation qu’elle veut faire passer d’elle même.

Regardez le reportage, et lisez en dessous le texte que Bruno a publié sur son blog.

 

 

« Alors que je me réjouissais d’interviewer Rama Yade, ministre des affaires étrangères et des droits de l’Homme lors de la grande journée de Rendez-vous des Européens dont l’un des objectifs est de promouvoir une Europe accessible, participative, citoyenne, thème que nous partageons, je me suis pris une claque monumentale.

C’est la première fois qu’une personnalité politique refuse de répondre à mes questions !

Juste avant, son attaché me dit “on a du retard, faites l’interview en marchant jusque la scène“. Je suis la seule caméra dans les environs, et 10 min nous sépare de la destination, bref, un boulevard s’offre à moi pour échanger avec l’une des plus médiatiques ministres du président Sarkozy, une interview qui va épater tout le monde, je te dis !

Parmi les questions préparées, celle — importante et légitime de la part de citoyens roubaisiens : quelle chance représente l’Europe pour les quartiers ? (je pensais FSE, Micro Projets, Interreg, mais aussi Jeunesse en Action, bref, tout un tas de moyens importants déployés sur nos territoires, qu’on n’identifie d’ailleurs pas assez, le genre de questions posées au cours de la journée).

Je dis très clairement ici que Rama Yade est l’une des ministres que je trouve les plus intéressantes : par son dynamisme, sa jeunesse, sa beauté, sa détermination, et aussi parce qu’elle représente la diversité de notre pays — je pense qu’elle est un modèle de réussite. Et donc vraiment tout naïvement, je lui pose cette question.

– pourquoi vous me posez une question sur les quartiers ? me répond-elle comme si j’avais dit une insulte.

Et aussitôt devant tout le monde, journalistes, bloggueurs, invités, elle me jette ! J’évoque les jeunes des quartiers : “Désolé !”
Sa réaction est immédiate, définitive et d’une rare violence.

Je suis resté en plan, laissant le cortège passer devant ma caméra…

On m’a expliqué, par la suite devant mon désarroi, que aujourd’hui, l’Express publie une interview de Madame la Ministre, dans laquelle, elle ne veut pas qu’une étiquette pour attirer les quartiers.

Alors je veux bien… mais bon :

1) qu’une ministre, notamment déléguée aux droits de l’Homme (donc de la liberté d’expression, de la presse, des blogueurs, tout ça) me jette illico presto pour une question “dérangeante” en refusant de répondre, je trouve ça limite en démocratie,

2) que si parce que issue d’une diversité, on se braque aussi fortement à l’idée de représenter un modèle, un espoir pour des jeunes des quartiers, ça me semble inquiétant, et même contraire à l’idéal qui nous anime (et j’ai même envie de dire contraire à la volonté des organisateurs de partager cette notion d’Europe là)

3) enfin, même si la question touchait un point sensible personnel chez Rama Yade (ce n’était pas ma volonté, et je n’étais pas au courant de l’interview précitée) un ministre, qui se veut diplomate, ne se doit-il pas faire preuve de recul ?

Ca m’a quand même blessé… car je m’attendais vraiment pas à une telle réaction de la part d’une ministre. Elle m’a décu car il y avait là, à mon avis, un message fort à passer en direction des jeunes.

Méprises-telle à ce point les quartiers pour que ce soit si insupportable de répondre, somme toute, à une question un peu banale ? »

Bruno Lestienne