ANALYSE ET CHRONOLOGIE

Par Nathalie Mazier et Aurélie Piel

Nicolas Sarkozy a été élu le 6 mai dernier avec 53% des voix, au terme d’une campagne où il a imposé son style volontariste et débridé et promis d’engager la rupture, entre autres avec les années Chirac. Cependant, douze mois déjà sont passés, et pas l’ombre d’une avancée sur le point phare de son programme, le pouvoir d’achat. Ce qui ne manque pas, en revanche, ce sont les coups médiatiques, coups d’éclat et coups de gueule. Mais aussi les nombreux projets de réformes annoncés et pas toujours engagés.

L’histoire de cette année en Sarkozie, c’est d’abord ce revirement de popularité. Adulé l’an dernier, il plafonne aujourd’hui dans des bas fonds d’impopularité quasiment jamais égalés par ses prédécesseurs. La tendance s’est en effet inversée : 63% d’opinions favorables en juin 2007 (TNS Sofres), presque autant d’insatisfaits aujourd’hui. Seuls 32% des Français disent avoir confiance en lui pour résoudre les problèmes.

Et pourtant, l’histoire avait bien commencé. Plébiscité par les Français au terme d’une campagne où il a toujours fait la course en tête, sa côte de popularité est au beau fixe et sa manière plait. Trois mois d’été sans gros nuages à l’horizon. Un yacht qui ne fait pas trop de vagues. Un « paquet fiscal » qui passe comme lettre à la Poste. Président omniprésent et omnipotent, il impose son style, sûr de lui, homme d’action, multipliant les projets de réformes. Le temps, pour les antis, de digérer cette arrivée au pouvoir et, pour le président, de mettre en place sa gouvernance.

Un départ en fanfare qui, très vite, va s’étioler. Discours de Dakar, tests ADN, Cécilia, carte judiciaire, Kadhafi, Bigard chez le Pape, vacances avec Carla… Et, en janvier, tout bascule. Lors de sa conférence de presse du 8 janvier 2008, il ne fait aucune concession, remballe les journalistes, dit être impuissant sur la question du pouvoir d’achat, concédant un lapidaire : « Les caisses sont vides ». A partir de là, c’est la dégringolade. Le rapport Attali, les municipales « test national », le « casse-toi pauvre con », le mariage avec sa belle… Il passe en-dessous de la barre des 50% d’opinions favorables. Montre Rolex, lunettes Ray-Ban, Sarkozy en fait trop, son style commence à sérieusement déplaire…

La chute continue encore, « bling bling » est sur toutes les lèvres, il passe sous les 40% en février. A partir de là, il ne redressera pas la barre. Les Français se plaignent des conditions de travail, des salaires, de la baisse du pouvoir d’achat. Les disputes avec Fillon font la une des journaux. Les urnes le boudent aux municipales… Et face à cette situation, Nicolas Sarkozy assène toujours son « travailler plus pour gagner plus ».

Dernièrement, lors de l’émission En direct de l’Élysée du jeudi 24 avril, il l’avoue, il assume ses erreurs. Il change la manière, joue la carte de l’humilité, mais cela ne satisfait toujours pas. Les courbes de popularité restent au même niveau. Le Figaro publie un sondage Opinion Way dans lequel 62% des Français jugent que le chef de l’Etat n’a pas respecté ses engagements de campagne présidentielle et 63% se disent mécontents de la manière dont il exerce la fonction présidentielle.

Mais, paradoxe de l’enquête, les réformes engagées suscitent l’adhésion des Français. Exemple : 82% sont satisfaits de la réforme des droits de succession, 80% de l’instauration de peines planchers pour les récidivistes, 73% de la défiscalisation des heures supplémentaires, 59% pour la réforme des régimes spéciaux de retraite, 57% pour l’autonomie des universités, etc. En revanche, pour 43% des sondés, la réforme de la carte judiciaire est une mauvaise chose, tout comme la création des franchises sur les dépenses médicales et l’envoi de troupes en Afghanistan qui déplait aux trois-quarts des Français.

Alors si les réformes prises individuellement plaisent en partie, nous dit-on, le style, lui, laisse à désirer. La rupture s’est faite dans la manière de gouverner, mais cela n’a rien changé pour les Français. Sarkozy semble bien les avoir oubliés cette année… Blague à part, selon un sondage LH2 pour le nouvelobs.com, si l’élection était à refaire, les résultats du second tour seraient inversés, à la faveur de Ségolène Royal : 53% contre 47% pour le président en fonction ! Tout porte à croire en effet que c’est Sarkozy lui-même qui dérange… Ce chantre d’une droite décomplexée a voulu imposer son style, il a, jusqu’ici, échoué.

LES « 1 AN » DE SARKOZY, MOIS APRES MOIS

6 mai 2007 : Election de Nicolas Sarkozy, candidat de l’UMP, à la présidence de la République.

– 7 mai 2007 : Fraîchement élu, Nicolas Sarkozy part en voyage sur l’île de Malte à bord du yacht de son ami Vincent Bolloré.

– 16 mai 2007 : Nicolas Sarkozy succède officiellement à Jacques Chirac au poste de président de la République. A cette occasion, il rend obligatoire dans les écoles la lecture d’une lettre de Guy Môquet, jeune résistant communiste.

– 17 mai 2007 : Nicolas Sarkozy nomme François Fillon en tant que premier ministre.

– 8 juin 2007 : Des vidéos circulent sur Internet, montrant le président français « en état d’ébriété » au sommet du G8 à Heiligendamm, en Allemagne.

– 17 juin 2007 : Législatives 2007. L’UMP et ses alliés remportent environ 60% des sièges. La droite obtient, en tenant compte des deux tours, la majorité des voix sur l’ensemble du territoire national.

– 8 juillet 2007 : Il propose la candidature du socialiste Dominique Strauss-Kahn au poste de président du Fonds monétaire international.

– 10 juillet 2007 : En visite à Alger, puis le lendemain à Tunis, Nicolas Sarkozy propose, pour la première fois, son projet d’Union méditerranéenne.

– 14 juillet 2007 : Marquant la rupture avec ses prédécesseurs, le nouveau président annule l’interview télévisée traditionnellement organisée le jour de la fête nationale. Pour lot de consolation, un concert de Polnareff est prévu le soir…

– 24 juillet 2007 : Après intervention, quelques jours avant, de son épouse d’alors, Cécilia Sarkozy, le nouveau chef de l’Etat français libère les infirmières bulgares et le médecin palestinien condamnés à mort en Libye.

– 25 juillet 2007 : Suite à la libération des infirmières bulgares, la France accepte de livrer une centrale nucléaire à l’Etat libyen.

– 26 juillet 2007 : Nicolas Sarkozy se rend à Dakar et prononce son discours fondateur de la nouvelle politique africaine de la France. Discours qui blessera nombre d’Africains.

– 26 juillet 2007 : L’Assemblée adopte le projet de loi de lutte contre la récidive et le paquet fiscal.

– 2 août 2007 : La loi sur le service minimum, promesse du candidat Sarkozy, est votée. Sa mise en application ne s’effectuera pour le 1er janvier 2008. L’occasion pour le président de se prendre deux semaines de vacances aux Etats-Unis.

– 27 août 2007 : Nicolas Sarkozy évoque l’hypothèse d’un « bombardement » de l’Iran si ce dernier ne suspendait pas ses activités d’enrichissement d’uranium.

– 20 septembre 2007 : L’Assemblée nationale vote la nouvelle loi sur l’immigration prévoyant des test ADN pour le traitement des demandes de regroupement familial.

– 10 octobre 2007 : La reforme des régimes spéciaux de retraite est rendue publique.

– 18 octobre 2007 : Nicolas Sarkozy signe le premier divorce d’un président de la République français en fonction, en se séparant de sa deuxième épouse, Cécilia Sarkozy.

– 19 octobre 2007 : Le chef de l’Etat obtient l’accord des vingt-sept états membres de l’Union européenne pour son projet de « mini-traité » européen.

– 4 novembre 2007 : Libération des quatre hôtesses de l’air espagnoles et trois journalistes français, dans le cadre de l’affaire de l’Arche de Zoé. Le président Nicolas Sarkozy se rend lui-même à N’Djamena pour les ramener dans son avion privé.

– 10 décembre 2007 : Mouammar Kadhafi est reçu à l’Elysée. Une visite durant laquelle seront signés des contrats de plusieurs milliards d’euros et qui suscitera une vague de polémique à laquelle participe notamment la secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme, Rama Yade.

– 20 décembre 2007 : Nicolas Sarkozy rend visite au pape Benoît XVI. Lors de ce voyage, il est accompagné d’Henri Guaino, de Max Gallo et de Jean-Marie Bigard.

– 25 décembre 2007 : Autre voyage, autre destination. Cette fois-ci, à Louxor avec sa nouvelle conquête, l’ex-mannequin Carla Bruni.

– 8 janvier 2008 : Le chef de l’Etat participe à la traditionnelle conférence de presse de début d’année. Il annonce, entre autres choses, la fin de la publicité dans l’audiovisuel public et la suspension du maïs transgénique MON-810 en cas de « doutes sérieux » sur son innocuité.

– 23 janvier 2008 : Les 130 propositions du rapport Attali, visant à relancer la croissance, sont remises au président de la République.

– 2 février 2008 : Au Palais de l’Élysée, le président Nicolas Sarkozy épouse en troisièmes noces Carla Bruni-Tedeschi.

– 13 février 2008 : Le président de la République exprime son souhait de voir chaque élève de CM2 prendre en charge « la mémoire d’un des onze mille enfants français juifs victimes de la Shoah ».

– 16 mars 2008 : Moins d’un an après leur victoire à l’élection à la présidentielle, Nicolas Sarkozy, son gouvernement et son parti essuient un lourd revers lors des municipales. Autre sujet épineux : le chef d’Etat français échoue dans ses négociations pour la libération d’Ingrid Betancourt.

– 26 mars 2008 : Nicolas Sarkozy confirme sa volonté de renforcer la présence militaire française en Afghanistan.

– 6 avril 2008 : Couac dans la communication du président. La secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme, Rama Yade, pose des conditions au voyage chinois de Sarkozy… avant de se démentir.

– 11 avril 2008 : Le chef de l’Etat confirme le maintien de la Carte familles nombreuses. Ouf de soulagement pour quelque trois millions de personnes.

– 17 avril 2008 : La réforme des allocations familiales est confirmée. Peu de temps auparavant, la porte-parole du gouvernement, Nadine Morano, avait assuré le contraire. Et un couac de plus, un !

– 21 avril 2008 : Sarkozy envoie une mission de « rabibochage » en Chine, afin de réchauffer les relations entre Pékin et Paris.

– 24 avril 2008 : A 20h, 11,7 millions de Français sont devant leur poste de télé pour assister à l’interview (grandiloquente !) de leur président.

– 5 mai 2008 : Nicolas Sarkozy recueille 66% d’opinions défavorables.