Au cœur des polémiques qui entourent les réformes hospitalières, les irréductibles de la maternité des Bluets s’entêtent à…

Au cœur des polémiques qui entourent les réformes hospitalières, les irréductibles de la maternité des Bluets s’entêtent à défendre une certaine « éthique médicale ». La réalité des faits démontrés par ce petit groupe de passionnés du 12ème arrondissement de Paris interroge à nouveau la méthode du gouvernement dans sa démarche de « réforme ».

« On ne veut pas d’une usine à bébés ! »

La voix du personnel des Bluets s’égosille depuis maintenant quelques mois. En réaction au plan Larcher annoncé ces dernières semaines, quelques 200 personnes – dont une centaine de salariés- s’étaient réunis le 8 mars dernier, journée symbolique de la femme, pour dénoncer la politique de « la rentabilité au détriment de la santé ». Ce 17 avril, à la suite d’un dialogue stérile avec l’Agence Régionale de l’Hospitalisation, une assemblée générale avait lieu, à l’issue de laquelle se décidait une action de manifestation dans les rues de Paris.

« Libérer l’hôpital de ses carcans » : le plan Larcher.

« Oser une vraie réforme de l’hôpital » – ainsi résumait-on le projet Larcher dans le journal les Echos du 10 avril. La colère du milieu hospitalier répond avant tout au « grand pas en avant » proposé par le sénateur UMP au début du mois.

Gérard Larcher évoquait ainsi sa volonté de refonder la « communauté hospitalière », par une politique de regroupement des hôpitaux de proximité et de revalorisation de l’hôpital publique par la dynamisation de sa compétitivité.
D’après le Parisien-Aujourd’hui en France du 17 avril, ce seraient actuellement 235 sites qui seraient menacés de restructuration. Parce qu’ils représentent moins de 4000 séjours par an en chirurgie. Le plan Larcher prévoit, par le regroupement de différents pôles médicaux, une nette augmentation de l’activité, et par là des ressources. Nicolas Sarkozy mettait ces derniers jours en avant la priorité exprimée de la mission Larcher : le retour à l’équilibre budgétaire du milieu hospitalier, à savoir le comble du déficit estimé fin 2007 à plus 800 millions d’euros.

Le cas des Bluets

« Invité » à rejoindre le site de l’hôpital Armand Trousseau dans le 12ème arrondissement de Paris, les Bluets représente le cas typique d’établissement visé par le plan Larcher. Selon l’Agence Régionale de l’Hospitalisation, les nouveaux locaux de la maternité seraient « prévus pour recevoir à terme 3000 accouchements. » Déficitaire depuis plusieurs années, la maternité associative – cataloguée « privé à but non lucratif participant au service public » – s’est vue regroupée dans un pôle médical.

Seul hic : pionnière il y a plus de 5O ans de l’accouchement sans douleur, et très renommée, la maternité des Bluets se voit contrainte à un mode de fonctionnement pour elle quasi « industriel ». L’application du plan Larcher susciterait chez elle la suppression de 15 postes sur 170, et il lui faudrait atteindre les 3000 accouchements annuels en 2009, contre 2300 en 2007. Si le projet a pour l’instant été suspendu par l’Agence Régionale de l’Hospitalisation, la maternité n’est pas « hors de danger »; le personnel ressent déjà les pressions de la direction visant à l’augmentation de l’activité. Et puis, les restrictions budgétaires font craindre une « remise en cause des valeurs » de l’hôpital et plus largement de l’éthique médical.

Pour un papa défenseur des Bluets, il s’agit de « casser ce qui marche à partir du moment où ça ne rapporte pas assez ».

« le compte n’y est pas »

Ce mardi 22 avril, après le reportage de la TélLibre, les Bluets étaient réunis en manif dans les rues du 19ème arrondissement. Parmi la centaine de personnes présentes, une cinquantaine représentaient les salariés de l’hôpital. Si la délégation syndicale CGT/SUD a pu rencontrer l’Agence Régionale de l’Hospitalisation, le dialogue est resté difficile. Sur les 3,7 millions de déficit accumulés par l’hôpital, l’ARH n’aurait accordé à la maternité qu’une enveloppe fermée de 400.000 Euros ; somme qui permettrait de couvrir seulement 25% du déficit en question. Le personnel des Bluets reconduit donc l’action au lendemain des vacances scolaires, avec la ferme intention, cette fois, de rencontrer le ministère.

« La réforme de l’hôpital, ce n’est pas la fermeture des hôpitaux, c’est le refus de la réforme qui conduira à la fermeture des hôpitaux » Nicolas Sarkozy

Si une bonne partie du corps médical estime que le plan Larcher signifie la dégradation du système de santé Français, d’autres s’en félicitent. De Claude Evin – ancien ministre socialiste de la santé et actuel président de la Fédération Hospitalière – à Jacques Attali, on estime que l’application du rapport Larcher ne peut être que bénéfique. Pour redonner des armes aux hôpitaux, améliorer leurs qualités de service et leur compétitivité face aux cliniques. Reste à savoir si l’hôpital restera tout aussi performant avec…peut-être 20 000 emplois en moins.
Et si le système de soin public français survivra, quand son mode de fonctionnement ressemblera davantage encore qu’aujourd’hui à celui du privé.

Une césarienne sera t-elle demain préférée à un accouchement par voie basse (3000€ pour l’une, 2000€ pour l’autre) ?

Morgann Martin

Caméraman : Joseph Haley

Montage : Mylène A., Anthony Santoro