La crise alimentaire ou le cauchemar de la mondialisation

D’Haïti au Sri Lanka, les populations sont touchées par la flambée des prix et la pénurie des denrées alimentaires de base. Cette hausse mondiale des cours des produits alimentaires entraîne des « émeutes de la faim » qui s’étendent chaque jour, et qui mettent en péril la cohésion très fragile de la communauté internationale.

dessin : xavier lacombe

Selon un rapport de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la crise est due à un changement structurel des marchés agricoles. Les prix des denrées alimentaires tels que le blé, le riz et le maïs qui constituent l’alimentation de base mondiale, ont plus que doublé en moins d’un an!

Pendant 30 ans les prix sont restés relativement stables, mais depuis 2000, les prix se sont réajustés par rapport à la valeur réelle des produits agricoles créant une insécurité alimentaire.

Si l’ensemble de la communauté internationale ne prend pas dès aujourd’hui ses responsabilités, cette insécurité alimentaire pourrait engendrer la faim d’1,2 milliard d’êtres humains d’ici 2025.

Les causes de la crise

L’une des premières causes est démographique car la population mondiale ne cesse de s’accroître. En 1980, nous étions 4,5 milliards d’individus, nous sommes actuellement plus de 6,5 milliards, et seront 9 milliards en 2050. Ce qui représente des milliards de bouches à nourrir en plus sur une planète, dont les ressources ne sont pas infinies.

Le deuxième facteur aggravant est la chute de la production céréalière mondiale qui a commencé depuis 2005. La production des 8 principaux pays exportateurs de céréales qui assurent près de la moitié du volume mondial a chuté de plus de 7% depuis 2006. Face à une offre insuffisante, les principaux pays exportateurs mondiaux comme la Thaïlande et Vietnam ont stoppé leurs livraisons pour l’étranger, préférant nourrir leur propre population.

L’émergence de nouvelles classes moyennes dans certains pays comme l’Inde et la Chine qui augmentent leur consommation en viande et produits agro-alimentaires manufacturés, crée une demande plus forte.

La part croissante de la production agricole attribuée aux agrocarburants par les Etats n’améliore pas non plus la situation. L’OCDE a estimé que les biocarburants sont l’un des principaux facteurs de la hausse des prix agricoles qui pourrait aller de 20% à 50% d’ici à 2016.

L’augmentation des accidents climatiques est également un facteur aggravant. On dénombre plusieurs bouleversements climatiques récents. Les inondations au Bangladesh, l’hiver rigoureux en Chine, et la grande sécheresse en Australie ont détruit de nombreuses récoltes.

A tout cela s’ajoute un effet collatéral de la crise financière : la spéculation se reporterait sur du « sûr » : les matières premières et les denrées de base. Ce qui finirait d’expliquer que les cours du blé et du riz aient ainsi quasiment doublé en une année. Au point que jeudi, Bernard Kouchner, a proposé d’interdire la spéculation sur les matières premières alimentaires.

Les solutions

Afin d’aider à court terme, les plus touchés par cette crise, le directeur général de l’OMC, Pascal Lamy, a appelé les pays développés à aider le Programme Alimentaire Mondial à obtenir 756 millions de dollars supplémentaires pour faire face à la pénurie et la hausse des prix des produits alimentaires.

Appel auquel a répondu Nicolas Sarkozy, le 18 avril, en annonçant que « la France doublerait dès cette année son enveloppe d’aide alimentaire en la portant à 100 millions de dollars. »

Pascal Lamy a également appelé la Banque Mondiale et le FMI à recentrer leur intention sur l’agriculture afin d’accroître l’offre pour baisser l’inflation des produits alimentaires. Dominique Strauss-Kahn nouveau directeur général du FMI s’est exprimé sur le sujet sur Europe 1 ce vendredi.

Quant au secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, il a inauguré dimanche 20 avril la 12ème Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) qui se déroulera jusqu’au 25 avril au Ghana.
Il a avertit les 192 états membres réunis pour l’occasion que « Si la crise actuelle n’est pas traitée correctement, elle pourrait déclencher une cascade d’autres crises multiples, ce qui déboucherait sur un problème multi-dimensionnel affectant la croissance économique, le progrès social et même la sécurité politique dans le monde ».

Mais afin d’enrayer la crise à plus long terme, les Etats du monde ne devront plus laisser la gestion d’approvisionnement et de distribution du secteur de l’alimentaire au seul jeu du marché, mais peut-être exercer un contrôle plus serré sur ces marchés.

Caroline Genestier