Stéphane Lhomme, porte-parole du réseau « sortir du nucléaire », a été libéré mardi soir d’une garde à vue d’une dizaine d’heures. Le militant aurait été interrogé sur les sources à l’origine de la publication par l’association, en mai 2006, d’un document classé « confidentiel défense », révélant la vulnérabilité du futur réacteur EPR en cas de crash suicide d’un avion de ligne. L’affaire questionne une nouvelle fois le lobbying nucléaire.

Attroupement inhabituel devant les locaux de la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) de Villiers à Levallois-Perret mardi après-midi. Une cinquantaine de personnes, dont le leader de la Confédération paysanne José Bové et le sénateur Vert du Haut-Rhin, Jacques Muller, étaient présents à l’appel au soutien de Stéphane Lhomme lancé dans la foulée par le réseau anti-nucléaire. Le standard de la DST subissait encore hier soir les assauts téléphoniques de citoyens outrés par l’événement.

Secret défense

L’affaire débute en mai 2006. Le réseau « Sortir du nucléaire » décidait de publier sur son site un document classé « secret défense ». Le dossier en question fourni par un membre du personnel d’EDF GDF révélait les failles d’une centrale nucléaire encore en projet de construction. Le rapport détaillait notamment la vulnérabilité du réacteur EPR en cas de crash d’avion. Le document avait été alors saisi à l’époque lors d’une perquisition chez Stéphane Lhomme qui avait déjà été placé en garde à vue. De nombreuses associations s’étaient chargées de diffuser très largement le dossier. En réaction à la nouvelle garde à vue du militant, le réseau Sortir du Nucléaire décidait de republier le document sur son site internet.

Le militant pourrait être aujourd’hui accusé d’avoir compromis la sécurité nationale. Une accusation que nie l’association qui rappelle que la centrale en question n’a pas été encore construite et que ces informations doivent être prises en considération avant tout nouveau chantier. Xavier Renou, membre du réseau, rappelle par ailleurs que les dangers du terrorisme nucléaire sont devenus évidents depuis les événements de 2001; les organisations terroristes n’auraient pas attendu les révélations du réseau pour programmer une quelconque attaque. Xavier Renou rappelle que l’action en question était avant tout un geste d’information citoyenne.

Lobbying nucléaire

« Il est essentiel qu’un contre-pouvoir citoyen puisse continuer à informer sans entraves le grand public sur les risques du nucléaire », déclarait hier le réseau.

L’association pointe une nouvelle fois du doigt la question du lobbying nucléaire. « Pourquoi s’accrocher à un outil qui ne représente que 16 % de l’énergie consommée en France et qui met en danger l’homme et son environnement? » Il s’agit pour Stéphane Lhomme de remettre en question la logique du profit à court terme et de reconsidérer les sources énergétiques qui peuvent être aujourd’hui multiples. « La filière nucléaire est aujourd’hui rentable mais pour très peu d’années. » Selon Xavier Renou, le danger, lui, reste pour de bon. De Bouygues à EDF, l’association désigne un ensemble de firmes minoritaires qui forceraient le maintien du nucléaire en France. La réaction en chaîne des autorités questionne le degré de pouvoir de ces firmes sur l’Etat. « L’affaire démontre une nouvelle fois que le nucléaire est incompatible avec la démocratie et le droit d’informer. »

En attente d’un procès éventuel

Pour la seule détention de ce document, Stéphane Lhomme risque 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende. La DST pourrait retenir le délit de « compromission du secret de la défense nationale » à l’encontre du militant. Stéphane Lhomme n’aurait donné aucune information qui permette de remonter jusqu’à la personne d’EDF qui a pris le risque de transmettre le document. En attendant le verdict d’un éventuel procès, le Réseau appelle à une manifestation européenne le 12 juillet « contre la politique pro-nucléaire de Nicolas Sarkozy ».

Morgann Martin

A voir : le document classé confidentiel sur le site www.sortirdunucleaire.org