Le vote sanction est tombé. Quelles leçons seront tirées par le pouvoir ? Analyse suivie du récit de nos correspondantes marseillaises.

Le PS remplit son objectif, va au-delà : 60 des 101 départements français, côté cantonales, côté municipales, il détient désormais vingt-cinq villes de plus de 100 000 habitants (contre douze pour la droite) : Toulouse, Strasbourg, Amiens, Metz, Caen, Reims, Saint-Etienne, Saint-Denis de La Réunion, sont tombées, après Rouen au premier tour.

Pour le Financial Times, le président français est devenu une « fashion victim ». Libération titre « Et BING !» l’edito des Dernières Nouvelles d’Alsace, c’est : la « facture du rêve».

Car la sanction est là, ce matin. Comme une douche froide. Pourtant, si l’oppostion, par la voix de François Hollande est ferme : « Le président de la République est obligé d’entendre le message des Français » et doit « corriger sa politique », on sait déjà que Nicolas Sarkozy va tout faire pour tourner la page à grande vitesse, plus vite que son ombre.

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dessin : xavier lacombe

Dès aujourd’hui, obsèques du dernier poilu et refonte esthétique de son équipe rapprochée de conseillers à l’Elysée. Avant micro remaniement express ministériel demain. Et puis le Président ne devrait pas sanctionner les ministres battus, nous dit-on. Le soldat Darcos humilié hier soir dans la capitale périgourdine devenue jeudi dernier capitale française de la politique (avec Fillon et Hollande en meeting aux 2 coins de la ville) devrait donc être sauvé, et rester aux commandes d’une difficile réforme, celle de l’Education Nationale.

Dimanche soir, sur les plateaux télés, la majorité présidentielle, ministres en tête, fait le maximum, malgré la morosité de la soirée, pour minimiser voir nier la puissance de la claque.

Simple rééquilibrage par rapport aux élections de 2001 (la droite avait pris 40 villes à la gauche), coup classique de la velléité d’alternance. Et puis le PS est si divisé, sans leader… Quand Aubry apparaît en duplex, triomphante, et ose dire que Sarkozy «inquiète », on raille avec charge la concurrence des ambitions, la bataille pour le Congrès du PS qui, il est vrai, semble avoir comme prévu commencé. Malgré la tenue, hier soir, des ténors.

Jean-François Copé, seul, dimanche, accepte de parler de « défaite ».

Sur TF1. Le patron actuel des parlementaires UMP parle d’une « conjugaison des impatients et des mécontents ». Les autres n’ont qu’un vrai refrain à la bouche : plus vite, plus fort, plus vrai, plus loin ! Les réformes… Xavier Bertrand réplique aux ténors de la gauche, sans vergogne : “Les références à gauche en matière de réforme, ça manque, Pour les grands rendez vous électoraux, les français ne vous font pas confiance”. Pour les ministres le vote est un « vote d’exigence », c’est la « volonté de « voir les résultats dans la vie quotidienne plus vite ».

Pourtant, ce lundi matin, les variations et désaccords à droite commencent à s’exprimer.

C’est Raffarin sur LCI qui déclare : « Nous devons infléchir un certain nombre d’axes de notre politique » et « le gouvernement doit corriger le tir sur un certain nombre de points », notamment en revenant sur le rapport Attali, cause d’échec pour la majorité « parce qu’on a parlé de réformes en faisant peur sans parler des résultats ». « Je pense qu’il y a un certain nombre de politiques qui ont été oubliées », a-t-il poursuivi. « Parmi les leçons à tirer » du scrutin et « outre le fait qu’il faut continuer les réformes, je pense que nous, les députés de l’UMP, on devra être associés plus en amont désormais à la fabrication de ces réformes » déclare déjà ce lundi M. Copé.

Alors, y aura t-il vent de révolte des élus de droite ? On peut le présumer.

K.Y.

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Marseille, le contre exemple

de Marseille, par Nathalie Mazier et Sibylle Delaître

Jean-Claude Gaudin (UMP) garde son fauteuil de maire. Il a remporté hier un troisième mandat, une victoire à l’arraché. Son concurrent, Jean-Noël Guérini perd avec les honneurs en gagnant un des deux secteurs clé, le premier, (1er et 7e arrondissements). Tout s’est joué dans le troisième secteur (4 et 5e arrondissements) comme prévu.

985 voix seulement, c’est ce qui permet à Renaud Muselier, premier adjoint au maire, de remporter le troisième secteur et à Jean-Claude Gaudin de garder la mairie de Marseille. Comme prévu ce secteur a été décisif. Au premier tour, le candidat de l’UMP ne comptabilisait que 1503 voix d’avance sur Jean-Noël Guérini. La fusion des listes socialistes avec celle du MoDem n’aura pas suffit à combler le retard. L’UMP a pu probablement compter sur un report des 2 543 voix du Front National et sur de nombreuses voix du MoDem, quarante colistiers de Jean-Luc Bennahmias ayant décidé en début de semaine de ne pas suivre les instructions de leur leader.

Les militants PS n’ont pas espéré très longtemps. Les premières estimations attribuent déjà l’avantage à Jean-Claude Gaudin. Le premier secteur (1er et 7e arrondissement) est très vite acquis à Patrick Mennucci (PS), sans grande surprise. Tous les regards se tournent vers le 3e secteur. Mais le dépouillement des premiers bureaux de vote donne Renaud Muselier devant le président du Conseil général. Au QG de Jean-Noël Guérini, l’attachée de presse distille tous les quarts d’heure les résultats : Muselier est devant. De 150 voix environ après le dépouillement de 8 bureaux sur 52 à plus de 500 sur 41. Dès les premiers chiffres, les militants essaient de se réconforter. « Ce n’est pas fini, il faut y croire encore ». Mais l’ambiance n’y est pas. A 22 heures, le discours de victoire de Renaud Muselier et Bruno Gilles à leur permanence donne un point d’arrêt aux espoirs. Rue Sainte Cécile, par contre le champagne coule à flot. Les militants exhibent des pancartes parmi lesquelles : « Guérini : Fini parti ». Bruno Gilles est porté en triomphe alors que Renaud Muselier sable le champagne.
22h18, Gaudin s’exprime depuis la Mairie. Il annonce sa victoire avec certitude alors que le troisième secteur n’est pas encore définitivement acquis, mais tout semble joué. Ses premiers mots vont à ses électeurs qu’il remercie chaleureusement. Il s’engage à « continuer d’être le maire de tous les Marseillais, quelque soit leur quartier et leur préférence politique ».

Et pour cause. Les résultats de ses élections ont mis en avant un Marseille coupé en deux. Le nord à gauche et le sud à droite. En effet, le PS n’a eu aucun mal à garder les 2e, 7e, et 8e secteur où Lisette Narducci, Sylvie Andrieux et Samia Ghali ont été facilement élues. Et dans les 1er et 7e arrondissements, Patrick Mennucci devance le maire sortant Jean Roatta de 405 voix. Le PS gagne donc un nouveau secteur par rapport à 2001.
A droite, Jean-Claude Gaudin dans le 4e secteur, Guy Tessier, dans le 5e et Roland Blum dans le 6e, sont tous facilement réélus.
La fracture entre quartier populaire et quartiers plus aisés est flagrante. Jean-Noël Guérini a d’ailleurs mis en garde son concurrent : « Il faudra mener une politique plus juste vers l’ensemble des Marseillais ».
Cela ne sera pas si facile pour Jean-Claude Gaudin, qui remporte la victoire la plus serrée de sa carrière. L’UMP totalise seulement 51 sièges au Conseil municipal, le PS 49 et le FN un seul. La majorité est courte et il devra obligatoirement composer avec l’opposition pour ses futures actions.

D’autant plus que les élections cantonales qui se déroulaient en parallèle montrent une poussée de la gauche. Jean-Noël Guérini, le président du Conseil général pourra compter sur 3 nouveaux conseillers. La nouvelle assemblée se compose donc de 31 élus PS, 17 UMP, 6 PC 1 sans étiquette et 2 divers gauche.

A 68 ans, Jean-Claude Gaudin commence probablement son dernier mandat. La course à la succession est ouverte alors qu’à gauche Jean-Noël Guérini est déjà en place « J’ai compris que pour gagner, il faut plus que 6 mois et 9 jours de campagne. Il faut partir très tôt. Le rendez-vous de 2014 doit se préparer dès demain. »

Nathalie Mazier et Sibylle Delaître