LaTéléLibre a observé les dernières 24 heures de la négociation sur la « modernisation du marché du travail…

LaTéléLibre a observé les dernières 24 heures de la négociation sur la « modernisation du marché du travail ». Ambiance et dialogue social marathon dans le hall du siège du Medef.

La date avait été fixée, les négociations sur la « modernisation du marché du travail » devaient prendre fin le jeudi 10 janvier 2008 au soir. Dernier carat. A 19 heures cependant, la situation semble totalement bloquée. Et le pari du dialogue responsable loin d’être gagné… Dès lors, ce sont les prolongations qui s’ouvrent. L’équipe de LaTéléLibre, avec le reste de la presse attend, pendant un peu plus de 24 heures.

Les pourparlers vont se poursuivre jusqu’au lendemain midi, dit-on à la presse. «Voilà, c’est ce matin que tout se joue : ça passe ou ça casse » répètent unanimement des représentants syndicaux exténués mais sereins, à leur arrivée avenue Bosquet au matin de cet ultime jour, le vendredi 11 janvier. Impossible encore, à ce stade, de savoir si les partenaires sociaux trouveront le moyen d’aboutir à un accord écrit, ou si les 4 mois de travail de négociation se termineront par un clash.

Une menace en cas d’échec
Dans le suspense, la tension, les interruptions de séances se multiplient, les délégations se replient pour passer des coups de fil, réfléchir, revoir leur stratégie, trouver la brèche. Et les rebondissements s’enchaînent… D’autant que la pression est grande, pour les partenaires sociaux, puisque depuis le début François Fillon les a prévenu : s’ils ne parviennent pas à un accord, le gouvernement (dont tous connaissent l’audace) reprendra la main, et fera lui-même la loi.

Et, il faut le dire, le chantier ouvert est large. Embauche, licenciement et nouveaux modes de rupture de contrat, allongement de la période d’essai, nouveau contrat de travail, droit à la formation professionnelle : tout un tas de questions cruciales et sensibles sont sur la table… L’objectif de la négociation étant de trouver un juste milieu, un équilibre entre la volonté des uns d’une plus grande flexibilité pour les entreprises, et la volonté des autres, d’une plus grande sécurité pour les salariés…

Finalement, le suspense prend fin à 21h30 : un accord écrit est là. Cathy Kopp responsable de la délégation patronale est satisfaite, très fière de ce qu’elle considère comme du bon boulot. Elle rend hommage à la maturité de tous les partenaires présents, sans exception. Les syndicats (ils sont cinq, représentés par leurs délégations respectives : CFDT, FO, CGT, CFE-CGC, CFTC) eux se disent « mitigés ». Et fatigués. Seule la CGT a déjà décidé que ce serait niet.

Recul du patronat et des syndicats de salariés
Tous sont satisfaits d’avoir réussi à faire reculer le patronat. Par exemple sur la durée de la période d’essai, quand la veille celui-ci demandait la lune (périodes de plus de 18 mois) ou sur ce fameux nouveau contrat « à objet précis » ou « de mission ». Sur le chapitre duquel, jusqu’à la toute fin, le MEDEF insiste pour qu’il prenne la forme d’un CDI à durée… limitée ! Pourtant chacun semble trouver que, dans la balance de ce texte, la flexibilité l’emporte tout de même sur la sécurisation des parcours professionnels… Tous soulignent l’importance du travail en commun effectué par les syndicats, que l’on a vu véritablement se serrer les coudes pour négocier, déjouer les pièges et les chausse-trappes, batailler sur chaque mot, chaque détail. Comme si l’heure était venue pour eux de préférer tenter de tenir bon ensemble, pour limiter la casse, plutôt que de regarder en spectateur des réformes jugées nocives se faire à leur insu. Et finir par aller à l’affrontement.

De sorte qu’il faut sans doute se réjouir de voir, ici, se profiler une maturité nouvelle des partenaires sociaux, capable de mettre en œuvre un nouveau type de dialogue social, plus constructif. Enfin, si pour Cathy Kopp et le MEDEF, la « flexisécurité » à la française est née (on parle toujours beaucoup du modèle danois…), il est vraisemblable que les syndicats seront vigilants à ce que ce mot ne reste pas qu’un mot nouveau, un peu barbare et à la mode, mais qu’il puisse réellement incarner une promesse d’avenir…

A l’heure où nous publions ce reportage l’accord est validé. Et les uns et les autres commencent à le commenter et à l’analyser avec plus de recul…

Le patronat avait besoin qu’une majorité des organisations syndicales sortent le stylo plume. Or dès lundi (14 janvier 2008) FO et la CFTC ont annoncé qu’ils signeraient, mardi la CFE-CGC emboîte le pas. Et finalement idem pour la CFDT jeudi… Seule la CGT refuse de valider ce compromis.

Le gouvernement doit donc maintenant, comme il l’avait indiqué, reprendre sous forme de projet de loi l’accord, afin qu’il soit ensuite débattu au Parlement. « S’ils ont trouvé un accord, surtout s’ils sont nombreux à l’avoir signé, je ne vais pas moi, ministre du Travail, casser ou changer leur accord » a indiqué Xavier Bertrand.

Karine Yaniv, Mylène A, Joseph Haley.
Merci à Joseph Hirsch.