Cinéma alternatif, différent, artisanal, hybride, underground, d’avant-garde, militant, structurel, conceptuel, en marge d’une société formatée, le cinéma expérimental…

Cinéma alternatif, différent, artisanal, hybride, underground, d’avant-garde, militant, structurel, conceptuel, en marge d’une société formatée, le cinéma expérimental est en perpétuelle recherche d’une créativité nouvelle. Pour sa 9ème édition (4-9 décembre 2007), le Festival des cinémas différents de Paris, organisé par Laurence Rebouillon et Angelica Cuevas Portilla, met en valeur ce cinéma encore trop peu connu du grand public, au cinéma de l’Archipel à Paris et aux usines Mains d’Oeuvre à Saint Ouen.

La difficulté de donner une définition stricto senso du cinéma expérimental laisse entrevoir toute la complexité de ce genre. Ce cinéma « autre » se différencie dans tous les cas du cinéma dit commercial. Il ne répond donc pas aux normes de rentabilité qui régissent le cinéma traditionnel. En marge de ce que le public a l’habitude de voir, le cinéma expérimental est par ailleurs un véritable laboratoire de recherche créatrice. Ce cinéma méconnu est paradoxalement ancré dans notre société sans que le grand public ne s’en rende compte. Nombreuses sont les publicités, clips musicaux voire films commerciaux qui utilisent les techniques cinématographiques conçues par les cinéastes expérimentaux.

Il fait véritablement son apparition dans les années 1920 à l’intérieur de différentes sphères artistiques pour illustrer les « arts nobles » de l’époque (littérature, arts plastiques, théâtre). L’avant-garde cinématographique n’est alors pas considéré comme un art à part entière. Les dadaïstes et les surréalistes ne l’utilisent en effet que comme complément à leurs oeuvres sans véritablement le reconnaître comme art. Il faudra attendre les « impressionnistes » Dulac, L’Herbier ou Epstein pour qu’il acquière ses lettres de noblesse. L’apparition de collectifs indépendants dans les années 1970, comme le Collectif Jeune Cinéma (CJC), a été décisif pour la reconnaissance de ce cinéma et a permis d’influencer la vie culturelle de l’époque à tel point que le musée Georges Pompidou (nouvellement crée) a consacré un département permanent au cinéma expérimental. En 2002, toutes les institutions (la Cinémathèque française, Beaubourg, la Vidéothèque de Paris, l’auditorium du Louvre, la Galerie du Jeu de Paume…) diffusent des films expérimentaux. Les festivals internationaux consacrés à ce cinéma se développent de plus en plus et il arrive même que certains festivals « commerciaux », comme le festival de Cannes, y programment certains films.

Mais il ne faut pas oublier le principe du cinéma expérimental. Ce sont tout d’abord des artistes qui ne vivent que pour la création. L’idée de rester en marge d’une société régie par l’idéologie consumériste est un point fondamental pour leur liberté créatrice. Le but est donc de pouvoir en petit comité échanger des idées et inventer de nouvelles formes cinématographiques à l’aide de différents matériaux. Le cinéma expérimental devient dès lors le site même de l’articulation de l’histoire du cinéma, de l’histoire des Beaux-Arts, des Arts plastiques et des nouvelles technologies.

D’aucun dira cependant que ce cinéma est trop difficile à appréhender, réservé à une minorité voire à des spécialistes. Il n’en est rien. Cet imaginaire est véhiculé par le fait que ce cinéma ne corresponde à aucun référentiel connu. Mais ce cinéma est surtout basé sur l’esthétique et l’émotion. Il peut donc être vu par n’importe quel public. Derrière cette aspect formel, des messages engagés sont souvent revendiqués mais il ne faut pas s’arrêter à cet aspect et passer à côté de quelque chose qui vaut la peine d’être connu. C’est l’occasion de voir le monde à travers des yeux différents.

Il suffit de pénétrer dans l’une des salles obscures où est diffusé un film, de rencontrer des cinéastes ou experts, comme le spécialiste Raphaël Bassan, la cinéaste Frédérique Devaux, ou encore le très engagé Pierre Merejkowsky, pour se rendre compte qu’un autre monde existe.

Aurélie Durand

Image: Aurélie Lavillonnière, montage: Bertrand Basset

Sites internet:

http://www.cjcinema.org/
http://www.etna-cinema.net
http://etoilements.blogspot.com
http://www.mainsdoeuvres.org