Après une médiatisation dont elle se serait bien passée, la commune de Villiers-le-Bel semble avoir retrouvé le calme. La mort des deux jeunes adolescents, qui avaient percuté un véhicule de police alors qu’ils conduisaient sans casque, a provoqué de violentes émeutes. L’enquête est en cours…

Comme d’habitude, l’image de cette ville de banlieue a été profondément altérée par ces évènements. Encore une fois, l’aspect positif de ces quartiers est passé sous silence. Et pourtant, cette ville n’est pas que le théâtre d’affrontements. Entre travaux d’aménagement, initiatives sociales ou encore culturelles, Villiers-le-Bel regorge de ressources qui, elles aussi, méritent leur coup de projecteur.

Au-delà de la violence, Villiers-le-Bel n’est pas une ville réputée pour sa forte délinquance. Même si la commune connaît un taux de chômage (20%) plus élevé que la moyenne nationale (8%), elle ne correspond pas au stéréotype de la cité banlieusarde. Les quartiers pavillonnaires se mélangent plutôt bien aux HLM, qui représentent 50% des habitats de la ville, soit 4000 logements sociaux. C’est à partir des années 50 que Villiers le Bel, ancien village, a subi une profonde urbanisation. Les logements collectifs s’implantent dans la ville, qui doit répondre au nouveau besoin d’une population jeune. Les 0-24 ans représentent aujourd’hui 33% de la population. La ville a fortement investi dans l’équipement et le service pour les jeunes. Une urbanisation qui s’est accéléré par un développement économique : en 1997, la commune fonde avec Sarcelles, le « Val de France », qui représente aujourd’hui un pôle important de l’est du Val d’Oise, avec plus de 120 000 habitants. « Villiers-le-Bel n’est pas un ghetto derrière le périph’. On y mène une vie tout à fait normal » assure un responsable du Collectif local Fusion, pour le métissage culturel. Et d’ajouter : « Il y a des difficultés sociales mais on ne peut pas parler d’une population victime ». Même si elle déplore une tension palpable, Sandrine, habitante de Villiers-le-Bel depuis plus de 20 ans reconnaît que « la politique sociale menée par la ville aboutit à de multiples initiatives en matière d’intégration. A l’école plusieurs psychologues et orthophonistes sont au service des enfants ». Pour certains élèves, la langue française n’est pas toujours bien maîtrisée.

Culture urbaine

Entre les tours des cités, plusieurs groupes de rap ont su imposer leur style auprès du grand public. Le plus connu : Arsenik. Les deux frères, Lino et Calbo, d’origines congolaises, ont formé leur groupe en 1993. Le duo connaît un certain succès, concrétisé en 1998, année durant laquelle ils remportent un double disque d’or, grâce à leur 1er album « Quelques gouttes suffisent » (Hostile Records). Arsenik a vu le jour dans l’effervescence du Sixième chaudron, quartier de Villiers le Bel dont sont issus plusieurs groupe de rap ( K.ommando Toxic, Ascenssion…).

La ville fait un effort particulier pour développer cette culture urbaine grace à plusieurs événements qui ponctuent l’année.
Le « Festival des arts de rue », investit la ville chaque année, durant le mois de juin, où professionnels et amateurs déambulent dans les rues. Autre initiative : le festival « les bel’ hopsessions », qui dédient plusieurs soirées à la danse et au slam. Au mois de mai prochain, la ville compte sur la présence du slameur Grands Corps Malade. Avec des têtes d’affiche comme Laurent Voulzy ou Michel Leeb, l’espace Marcel Pagnol accueille aussi les divers talents de la scène française.

Une image qui fait défaut

Dans les maisons de quartiers des cités, on est bien loin des images véhiculées par les émeutes. « La ville déborde d’initiatives culturelles. Notre compagnie a représenté la France au festival de danse de Stockholm. Nous avons fait lever des salles entières », se félicite Sophie Bulbuyan, enseignante en éducation physique au collège Léon Blum. Il y a deux ans, elle a créé une compagnie de danse, avec des jeunes de la ville. Ils sont une soixantaine, de 13 à 25 ans. A travers les médias, elle ne retrouve ni sa ville, ni les jeunes qui la compose. « Il y a de la violence, c’est incontestable. Mais quand je vois le décalage entre l’image véhiculée par les médias des jeunes de Villiers-le-Bel et la réalité, je suis dégoûtée. J’ai les boules… », lâche t-elle, dans un élan de colère. Même constat pour Arnaud, responsable de l’association de musique et d’audiovisuel Apo.G, qui travaille avec les jeunes de la ville. « Beaucoup de projets se montent à Villiers-le-Bel mais ils ne sont jamais mis en avant. La ville déborde de talents au niveau sportif et culturel », s’exaspère t-il. Avant de poursuivre : « La plupart des jeunes de la ville ont une véritable volonté de s’intégrer professionnellement. Beaucoup d’entre eux sont inscrits à la mission locale. Ils sont prêts à se lever tôt le matin pour aller travailler. Si ça, c’est pas une preuve de motivation… », lance t-il, un peu désabusé.
Un goût amer dans la bouche des habitants de la ville, qui regrettent qu’une minorité jette l’opprobre sur toute une population.

Opération de rénovation urbaine, construction d’une centre médico-pédagogique…La ville ne manque pas de projets, à l’exemple de la cité HLM du quartier des carreaux, qui subit un lifting grâce à la construction de nouveaux bâtiments plus modernes, et de parcs. Premiers effets visibles en 2009.

Caroline Vigoureux