« PARIS, POMME DE DISCORDE DE L’EUROPE  ? »

Paris expulse, les parlementaires européens s’indignent et la commission ferme les yeux.

A l’issue de trois jours de négociations, le Parlement européen a adopté une résolution exhortant Paris à « suspendre immédiatement toutes les expulsions de Roms ». Initiée par les partis de gauche -verts, libéraux, communistes et socialistes-, cette résolution a été adoptée jeudi 9 septembre à Strasbourg, avec 337 voix contre 245. En déplacement à Bucarest, le ministre de l’Immigration a estimé qu’il n’était « pas question » de suspendre ces reconduites. Un récent sondage disait d’ailleurs que la majorité des Français était favorable à ces reconduites à la frontière.

Nous sommes « vivement préoccupés par les mesures prises par les autorités françaises ainsi que par les autorités d’autres états membres à l’encontre des Roms et des gens du voyage prévoyant leur expulsion ».

C’est ce qu’ont conclu les parlementaires européens au sujet de l’attitude française à l’égard des Roms. Des conclusions qui contredisent la position de la Commission européenne qui s’est dit « satisfaite et rassurée des explications apportées par la France ».

Des explications obtenues dans le cadre de la parution, le 31 août, d’un rapport européen au sujet des Roms. La Commission avait tout de même exigé des éclaircissements sur la nature « réellement volontaire » des départs recensés en France entre le 28 juillet et le 30 août. Elle mentionnait que le versement d’une « aide au retour n’était pas en soi suffisant pour les sortir du champ d’application de la directive européenne sur la liberté de circulation ». Le 6 septembre, José Manuel Barroso a rencontré Nicolas Sarkozy à ce sujet . Le 7, lors de son discours sur l’Etat de l’Union européenne devant le Parlement, le Président de l’exécutif européen a minimisé le comportement français à l’égard des Roms : « Si tous les citoyens européens bénéficient de la liberté de circulation dans l’UE, tous ont aussi des obligations »

Strasbourg vs Bruxelles

Si la gardienne légale de la Constitution européenne a finalement fait profil bas devant l’attitude de Paris, le Parlement, lui, s’est clairement prononcé contre celle-ci. Les deux instance européennes ont ainsi ouvertement affiché leur désaccord concernant la politique sécuritaire du gouvernement français. Paris diviserait l’Europe ?

À Strasbourg, de nombreux députés ont manifesté leur « révolte et leur indignation » face à cette situation. « Dites publiquement que ce que fait la France  contredit les traités européens »  à lancé  Daniel Cohn-Bendit – le chef des verts- à M. Barroso

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Le leader libéral belge, Guy Verhofstadt, a mis en garde les parlementaires contre « la tentation populiste, parfois raciste qui s’exprime en France ». Du côté socialiste, l’Allemand Martin Schulz a accusé Paris de mener une « chasse aux sorcières » contre les Roms.

Pourtant à Bruxelles, la commissaire européenne chargée de la Justice, Viviane Reding, s’est déclarée satisfaite des garanties apportées par Paris. « Grâce à un dialogue très intense entre la Commission européenne et les autorités françaises au cours des dernières semaines, une évaluation certaine se dessine, a-t-elle jugé. La France a bien expliqué qu’il n’y avait pas d’action ciblée contre les Roms ».

« Aucune mesure spécifique à l’égard des Roms »

Des mesures d’expulsions qui ont pourtant déjà valu à Paris des rappels à l’ordre de la part de l’ONU , de l’Eglise, de nombreuses associations de défense des droits de l’homme et des Français eux-mêmes, le 4 septembre dernier.

Mais si pour certains, Paris viole ouvertement la Constitution française et la Charte européenne – entre autres l’articles 19, qui interdit les « expulsions collectives », l’article 22, qui oblige les membres à respecter « la diversité culturelle » et  l’article 45, qui défend « le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres » – pour Eric Besson, il n’en est rien !

« Un diktat politique », selon Paris

Le ministre de l’Immigration a estimé que la France « ne mettait en œuvre aucune expulsion collective et privilégiait les retours volontaires et aidés ». Il juge que Paris applique « scrupuleusement le droit communautaire et respecte la loi républicaine française ». Réagissant à la résolution parlementaire … non contraignante… Eric Besson a ajouté : « le Parlement européen est sorti de ses prérogatives (…) la France n’a pas à se soumettre à un diktat politique (…) La France n’a pris aucune mesure spécifique à l’encontre des Roms ».

Pélagie Harbour