CINÉMA AFRICAIN

Franco-béninois et indépendant, ce film en forme de fable de géopolitique-fiction signé Sylvestre Amassou propose un regard efficace et original sur le drame des migrations internationales. Un pied-de-nez aux préjugés. A voir ou à revoir.

Et si on inversait les rôles ? C’est certainement ce à quoi pensait Sylvestre Amassou quand il a décidé de réaliser son film « Africa paradis ». L’histoire : En 2033, les Etats-Unis d’Afrique sont la première puissance économique mondiale. Pendant ce temps, la France, comme tous ses voisins d’Europe, ses voisins des pays du Nord, vit dans un climat de misère rarement égalé…
Un couple, Pauline (Charlotte Vermeil) et Olivier Morel (Stéphane Roux), subsiste dans une grande précarité : elle est institutrice au chômage, lui informaticien sans emploi. Après avoir vu leur demande de papiers rejetée pour cause de « quotas dépassés dans ces branches de métiers », ils décident d’aller en Afrique clandestinement.

L’AFRIQUE, L’ELDORADO

Sorti en 2006, ce film sonne comme un pied de nez à tous ceux qui dénigrent l’immigration, l’Afrique,  les immigrés et leur difficile arrivée dans nos pays. Une fiction pour se rendre compte de la difficulté qu’a une personne, immigrée clandestine, de vivre dans un pays qui n’est pas le sien.
Une histoire bien ficelée qui met en scène des acteurs endossant les rôles de Ministre de l’intérieur « qui fera ce qu’il faut pour mener la vie dure aux immigrants réguliers ou clandestins (surtout clandestins). », ou de député du parti radical africain, une sorte d’extrémiste anti-blanc, il y a aussi la femme raciste « par ignorance », et également des députés « utopistes » qui veulent intégrer ces migrants en Afrique et des africains prêts à aider ces arrivants.  Une multitude de clichés qui résulte d’une volonté de condenser toutes les âmes liées à une vie de migrant, tous ceux qui vont ou non, lui permettre de vivre en toute sérénité dans un pays dans lequel il n’est pas né.

ON INVERSE LA TENDANCE

Au sous titre clair « Et si l’immigration changeait de camp », le film de Sylvestre Amassou découle d’une réalité et d’une envie de faire prendre conscience à tous de ce qu’endure un migrant.
Sur le site internet du film, il confie « Supposons –que l’Europe soit devenue pauvre et l’Afrique, riche. Ce sont donc les blancs qui émigrent sur le continent africain pour tenter de trouver du travail et qui, du coup, découvrent le lot habituel des Noirs lorsqu’ils débarquent en France. C’est à dire autant la mesquinerie que la générosité, autant la porte fermée que la porte ouverte. C’est le sujet de ce long-métrage, dans lequel l’équilibre des comportements sera maintenu, mon propos n’étant pas de mettre les bons d’un côté et les mauvais de l’autre. ».

Voir l’Afrique comme la terre d’accueil de milliers de personnes qui vivent la situation des migrants actuels mais dans le sens inverse, c’est plutôt inédit.
Voir un français, se démener, payer un passeur, avoir peur de la police, se débrouiller pour survivre sur ce continent qui lui permettrait de fuir sa propre misère, ca interpelle, certainement.
Se rendre compte de toutes ces situations délicates, de toutes ces rencontres parfois belles, qui aident sans concession, par soucis d’humanité, de tolérance, un bel exemple, une réalité mais pas seulement.
De la chute dans l’échelle sociale, à la volonté de s’en sortir, d’avoir une meilleure vie, tout y est.

Alors film avant-gardiste ou pure fiction, en tout cas, toujours d’actualité…

Nadine Achoui-Lesage

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