Cédric Gerbehaye, journaliste de formation, a photographié la République Démocratique du Congo depuis 2007. Son travail approfondi montre, grâce à des portraits intimistes, un pays affaibli par les conflits, la violence et la corruption.

IMAGES INTENSES DU CONGO

La République Démocratique du Congo est un pays qui a souffert pendant longtemps de conflits armés. Les premières élections démocratiques ont été organisées par l’ONU en 2006, coûtant un milliard de dollars. Le vainqueur de cette élection, Joseph Kabila, a fermé sa porte des négociations internationales et tente d’ôter à l’ONU tout pouvoir d’agir sur son sol. L’ONU réalise pourtant ici sa plus grande opération jamais montée. Aujourd’hui, seule l’Organisation Internationale Médecins sans Frontières est présente sur les lieux car les attaques armées et les combats ont fait fuir les autres organisations. La population, quant à elle, souffre de maladies, de malnutrition et de violences meurtrières.

Le 30 juin dernier, ce pays fêtait le cinquantenaire de son indépendance (30 juin 1960) : la fin de la colonisation belge.  Un bien triste anniversaire puisqu’à l’heure actuelle, les spécialistes s’accordent à dire que l’Etat de droit reste à construire au Congo.

Depuis 1998, le pays est pillé pour ses richesses minières : l’est, plus particulièrement, aux frontières de Rwanda et de l’Ouganda. Le journaliste Stephen Smith*écrit dans l’ouvrage Congo in Limbo« Si, déjà d’ordinaire, le pays et son économie sont « vampirisés » en association avec des intérêts étrangers, hier exclusivement occidentaux, aujourd’hui aussi chinois et arabes, quel terme faut-il employer pour qualifier l’invasion armée de la RDC par six pays africains à partir d’août 1998 ? » A l’est, par exemple, à Mongwalu en Ituri, de nombreuses mines sont contrôlées par les milices qui échangent de l’or contre des armes venant d’Ouganda.

En 2007, 437 000 personnes fuient leur village. Ces déplacés se retrouvent démunis car souvent ils sont partis dans l’urgence, dans des camps improvisés. Certains trouvent du réconfort dans la religion. Des femmes sont victimes de violences sexuelles : elles s’éloignent peu des camps quand elles vont travailler la terre, car c’est souvent à ce moment-là qu’elles se font violées. Il y a les enfants-soldats aussi, dont certains vivent péniblement leur désarmement à cause de la perte de statut et d’identité.

Le travail Congo in Limbo de Cédric Gerbehaye, photojournaliste belge et membre de l’agence Vu’, pointe du doigt avec justesse et pudeur les problèmes dont les habitants font face au quotidien. Il a tenté de comprendre ce pays, sur une période de trois ans, en y retournant régulièrement. En apprenant à connaître les habitants. Tous, sans a priori ni jugement. En rapportant simplement ce dont il a été témoin. Les images en noir et blanc de ce Congo ravagé puisent leur force à travers les regards des personnes photographiées. Stephen Smith écrit : « Au Congo dans les limbes, personne ne rit. Cela ne va pas de soi. »

*Stephen Smith est un journaliste spécialiste de l’Afrique qui a travaillé pour l’agence Reuters, RFI, Libération puis au Monde. Il écrit dans l’ouvrage « Congo in Limbo » de Cédric Gerbehaye, aux Editions Le bec en l’air, 2010.

Cédric Gerbehaye est né en 1977 en Belgique. En 2002, il réalise son premier reportage-photo sur le conflit israélo-palestinien, après l’échec des accords d’Oslo. Il réalise ensuite des reportages à Hébron et Gaza. Puis il se penche sur la question kurde en Turquie et en Irak. Il commence son travail sur le Congo en 2007. Ce travail lui vaut sept distinctions internationales dont le World Press Photo en 2008. Il expose son travail à la Galerie Fait & Cause (galerie spécialisée dans la photographie sociale) jusqu’au 31 juillet : 58 rue de Qincampois, 75004 Paris, 01 42 74 26 36, du mardi au samedi, de 13h30 à 18h30.

Congo in limbo de Cédric Gerbehaye  : www.congoinlimbo.com

Margaux Duquesne
Image: Julien Boluen
Montage: Emma Redondo