Les premières images qu’on a vues de l’attaque sont celles de l’agence turque DHA. Elles ont été achetées par toutes les télévisions du monde, nous vous les avons présentées et commentées. C’était jusqu’alors la seule source d’images de l’assaut du commando marine israélien à l’encontre de « la flottille de la Liberté » qui se dirigeait dans la nuit de dimanche à lundi vers la bande de Gaza. Depuis, on peut visionner une vidéo sur YouTube mise en ligne mardi 1er juin provenant d’une autre source. Les images appartiennent à l’agence de presse turque Cihan. Ce sont celles de l’équipe d’Al Jazeera et d’un autre journaliste.

Il est pour l’instant difficile de sourcer exactement le ou les auteurs de cette vidéo : la notice de la vidéo ne nous renseigne pas et il n’y a pas de commentaires de la presse sur ces images. On reconnaît la voix du correspondant d’Al Jazeera qui apparaît dans le montage.  Rappelons qu’un montage est forcément un parti pri, une éditorialisation de plans. Dans cette vidéo, présentée comme « la réalité crue », on notera la présence de nombreux plans de coupe sur les canots de l’armée israélienne. N’étant pas les auteurs des images et du montage, nous ne pouvons donc garantir la sincérité de cette vidéo.

Ce montage nous montre « la réalité crue en direct du Marmara turc », c’est le titre donné à cette vidéo sous-titrée par intermittence en français. Le Marmara, c’est en fait le Mavi Marmara dont la presse se fait l’écho depuis les premières heures après les faits. Unique paquebot de la flottille, il transportait 600 passagers, soit la majorité des 750 personnes qui participaient à cette mission humanitaire.

Minute par minute

Au time code 0:31, le journaliste dit « ce qui se passe là est une vraie attaque. Il faut qu’Israël rende compte de ses actes aux 50 pays différents qui ont participé ». A la minute 1:31, le journaliste explique que les blessés sont en train d’être soignés alors même que de l’autre côté du navire, un affrontement entre militants et commando israéliens continue. Quelques secondes plus tard, un zoom sur l’hélicoptère laisse voir des soldats israéliens descendre en rappel sur le bateau. Au TC 1:47, on entend le journaliste dire: « on essaye toujours de continuer à filmer pour vous transcrire les images ». Il poursuit en disant: « après avoir vu de vos yeux, vous avez le devoir de nous aider ». Le journaliste d’Al Jazeera filmé dans cette vidéo précise que tous les passagers du paquebot sont des civils et qu’il n’y a pas d’armes. Au time code 3:32, le second journaliste  dont on ne connaît pas l’identité demande à un militant de raconter l’assaut. Il explique qu’un canot s’est approché du navire et a désactivé les hélices afin de faire ralentir le bateau pour faciliter l’abordage par hélicoptère. Le militant dit: « ce qu’on demande à Israël c’est que personne ne soit blessé, ni eux, ni nous ». Il annonce que deux soldats israéliens ont été blessés et pris en charge par des militants pour leur apporter des soins. Plus loin, à la minute 4:30, un autre militant prend la parole: « nous nous sommes simplement défendus, c’est un réflexe d’auto-défense ». Le militant justifie les actes violents commis par les militants qui sont tous des civils.

Quelques secondes plus tard, un autre militant prend la parole : « nous venons de subir une attaque par arme à feu, nous sommes tous couverts de sang et ça tire encore ». Au moment précis où l’homme parle de tirs, on les entend. Les militants pro-palestiniens qui l’entourent se baissent, apeurés. Cinq secondes plus tard, alors que l’homme leur a demandé de se disperser, les lumières se sont éteint pour se cacher des militaires israéliens. Courbé, le journaliste reprend la parole, on sent la peur en lui, il commente l’action qui se passe sous ses yeux : « ils reviennent, ils attaquent encore, vraiment nous ne savons pas comment tout cela va finir ». Le journaliste en appelle à l’aide des éventuels spectateurs qui verraient ces images en direct « si vous entendez notre voix, si vous voyez ces images, vous êtes dans l’obligation de nous aider, nos vies sont vraiment en danger ». Il en appelle à l’aide : « e-mail, téléphone, fax, internet » il faut faire quelque chose car « personne n’a encore bougé ».

Au TC 6 :11, le militant qui parlait de tirs une minute plus tôt reprend la parole : « ils ont utilisé des armes à feu, ils ont attaqué avec des couteaux, après ils ont utilisé du gaz (…) ils n’ont aucune humanité, ils nous avaient dit que ça serait fait dans le calme, dans le silence, qu’ils allaient parler avec nous, rien du tout ! Ils nous ont carrément déclaré la guerre. Ils viennent de jeter une grenade ». A la minute 8 :14, le deuxième journaliste déclare « le monde entier voit ce qu’il se passe ici ». Alors qu’un hélicoptère vole à nouveau au-dessus du navire, il fait part de son appréhension sur les prochaines minutes. Il rappelle que le bateau transporte 600 civils qui se sont fait attaquer par un commando armé. Il décrit la situation : « comme s’ils étaient en opération militaire, ils descendent en rappel ». Il parle d’une situation « surréaliste »…

Un bilan des morts contesté par un militant

Jeudi 3 juin, les militants turcs sont arrivés à Istanbul ainsi que les corps des neuf victimes que des médecins légistes turcs ont analysés. Ils ont conclu que les militants morts dans le raid, huit Turcs et un Américain d’origine turque, ont tous été tués par balle, dont un à bout portant. Un des trois militants espagnols présents lors de l’assaut conteste ce bilan des morts. Il a donné un interview à la radio privée espagnole Cadena Ser, depuis Istanbul où il se trouvait.

Manuel Tapial, membre de l’ONG Cultura, Paz y Solidaridad Haydée Santamaría, a déclaré: « Les chiffres officiels parlent de neuf morts, mais les chiffres que des gens comme nous qui étaient là peuvent donner, de ce que nous avons vu, ce que nos camarades nous ont rapporté, nous pouvons être en train de parler de 16 à 20 morts ». Les militaires israéliens « sont arrivés en tuant. D’abord avec des Zodiac, tirant des fumigènes, des bombes assourdissantes, des bombes à fragmentations », a déclaré Manuel Tapial. Il a également affirmé qu’au moment où le premier soldat israélien a été attaqué par les hommes à bord lorsqu’il a posé le pied sur le bateau en descendant d’un hélicoptère, « il y avait déjà deux ou trois morts à cause des tirs depuis les Zodiac ».

Pauline Gannot