[MIEUX ACCUEILLIR LES MIGRANTS – REDIF] Les mineurs isolés étrangers doivent être pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance. Encore faut-il qu’ils prouvent leur minorité. Et que faire des jeunes majeurs ? Des questions face auxquelles l’Etat et les associations sont de plus en plus confrontées. En 2015 lors de la diffusion de ce reportage, ils étaient entre 4000 et 9000 sur le territoire français. En 2016 ils étaient 13 000, en 2017, 25 000.

PREMIÈRE DIFFUSION : 19 JUILLET 2015

 

Portraits des anonymes

Fuyant des conflits, errant à travers les nations, ou misant sur un meilleur avenir… le portrait type de ces jeunes serait fastidieux à dresser. Et les chiffres, pour les cerner, sont insuffisants. En résumé : ils avaient en moyenne 16 ans (et deux mois) quand ils sont arrivés en France. Ils ? Beaucoup de garçons (87%) et de nombreuses nationalités : 69 pays étaient concernés en 2014. Au peloton de tête, les Maliens (34% des arrivants), puis les Égyptiens (9%), Guinéens (8,5%), Afghans (7%) et Bangladais (6%). Et s’il est difficile de mettre un âge sur ces visages creusés, il l’est tout autant complexe de décrypter leur histoire.

Le poids du passé

Nombreux sont ceux qui ne veulent plus livrer leur histoire, et qui ont besoin d’une assistance psychologique (un des engagements que la mairie de Paris a pris début 2015 sous la pression des associations et des médias). Si les histoires sont multiples, la sociologue Angélina Etiemble a essayé de définir les différents causes de départ… une typologie en sept temps :

  • Les exilés (fuyant la guerre ou l’exploitation, le plus souvent demandeurs d’asile)
  • Les mandatés (envoyés par les familles pour l’école ou pour trouver un travail)
  • Les exploités (victimes des réseaux de prostitution, de mendicité, d’activités illégales…)
  • Les fugueurs (le plus souvent originaires du Maghreb et d’Europe orientale)
  • Les errants (mineurs généralement sans domicile fixe dans leurs pays d’origine et passant de frontières en frontières)
  • Les « rejoignant » * (dont les familles, ou le point de chute, ont fait défaut à l’arrivée en France)
  • Les aspirants * (à la recherche de meilleures conditions de vie, très politisés)

*distinctions rajoutées en 2013 après un nouveau travail réalisé avec Omar Zanna, docteur en sociologie et en psychologie.

Leur prise en charge

La loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance a rappelé que l’État français considère tout mineur étranger privé de la protection de sa famille comme en danger, et donc, à prendre en charge par l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance).

Cette prise en charge coûte près de 50 000 euros par an par mineur à l’ASE (qui disposait en 2014 d’un budget de 369 millions d’euros), mais il s’agit d’une moyenne car elle varie d’un individu à l’autre, selon le type de prise en charge (contrat jeune majeur, type d’hébergement…). En 2013, au vu du nombre grandissant d’arrivées sur la capitale, première destination des jeunes (plus de 300 mineurs en plus en un an), et de la charge conséquente représentée pour le département, une circulaire (circulaire Taubira du 31 mai 2013) a été publiée afin de répartir la prise en charge. Fin 2014, le bilan faisait état de 6158 MIE pris en charge sur le territoire français. Parmi eux, 37% avaient été orientés vers d’autres départements.

Les tests d’âge osseux

Quand ils ont pu préserver leurs papiers du périple vers l’Europe mais qu’ils sont quand même mis à l’épreuve, ou quand les radiographies de leur squelette* les font mentir, ils se trouve plongés dans une zone de non-droit : le “Ni-Ni” de la clandestinité. Ni mineurs, ni majeur, on ne les croit pas sur papier, mais on ne leur donne pas d’âge non plus.

Alors que cette absence de statut leur complique immensément l’accès à la solidarité, à la demande d’asile, aux papiers… au logement, au travail… et la liste continue, elle fait également grossir le rang de leurs ennuis. Ainsi, les MIE peuvent écoper de quatre lettre supplémentaires, OQTF, pour obligation de quitter le territoire français, ou encore être poursuivis pour faux et usage de faux. Après l’espoir, la case prison.

* Pratique basée sur un Atlas de 1930 réalisé d’après des populations aisées, blanches et américaines.

Journaliste : Naomi Roth
Images : Hélène Corbie, Flore Viénot, Julie Dubois
Montage : Antoine Conort

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