Depuis le début de l’année, l’ABCD de l’égalité est en expérimentation dans les classes de primaire. Un programme qui vise à lutter contre les stéréotypes et qui prend sa source dans les études sur le genre. Ces études qui cherchent à comprendre la construction des inégalités sociales entre les hommes et les femmes en fonction du sexe, sont l’objet de malentendus. Transformées en « théories » ou en « idéologie » par les défenseurs des « vraies valeurs » de la famille, c’était le grand flou qui régnait à la manifestation dimanche. Un grand flou pétri de stéréotypes inavoués…

L’égalité entre les sexes dès l’école primaire

Depuis le début de l’année 2014, des professeurs de 600 classes de primaire expérimentent l’ABCD de l’égalité, « un programme visant à transmettre aux élèves la culture de l’égalité entre filles et garçons », peut-on lire sur le site de l’éducation nationale. « Il s’agit d’une démarche pédagogique conçue pour amener les élèves à réfléchir autour de certaines questions : la danse est-elle réservée aux filles ? Une femme peut-elle être pompier ? Un homme peut-il être sage-femme ? » découvre-t-on un peu plus bas.  Puis : « prendre conscience des stéréotypes sexistes », « savoir repérer des situations scolaires productrices d’inégalités », « comprendre comment les stéréotypes se construisent chez les enfants »…

Un programme qui rentre dans le cadre de la convention interministérielle 2013-2018 et d’une volonté politique de lutte plus large contre les discriminations liées au sexe : depuis 1989 en France, la loi prévoit l’enseignement de l’égalité entre les hommes et les femmes, et l’Europe en fait un des principes fondamentaux de sa politique. Un objectif poursuivi plutôt réjouissant et auquel on ne peut qu’adhérer…

La théorie du genre : un totalitarisme…

Et pourtant, il y avait une foule de manifestants dans la rue dimanche. Ils exprimaient leur angoisse « le gender c’est pas notre genre ! » à bout de bras, et la voix cassée par le cri de désespoir face à une humanité en déliquescence.  Car l’introduction du genre à l’école signifierait « gommer les différences et imposer aux enfants de choisir leur sexe dès l’âge de 6 ans » : un « totalitarisme » en somme, qui chercherait à « réinventer le réel », s’alarme un manifestant.

…Ou l’objet de malentendus

Mais la théorie du genre est l’objet de bien de malentendus… Pour commencer, la traduction du terme est erronée : les « gender studies » nées aux Etats Unis dans les années 1970-1980 doivent être traduites par « études sur le genre », et non pas par « théorie » ou « idéologie », deux termes qui laissent à l’imagination l’entière liberté de divaguer et de créer un possible « complot » de la part de « lobbies » imposant la volonté d’une culture dominante de reprogrammer l’ordre naturel.

Les gender studies sont en effet nées du constructivisme. C’est à dire que l’individu n’était désormais plus déterminé seulement par son sexe mais par les normes sociales qui se reproduisent au point de paraître naturelles. Au sexe en tant que destin se substituait ainsi le genre, produit de conventions sociales. Mais si elles se proposent d’étudier et de questionner l’identité des individus, les gender studies n’ont pas pour but de gommer les différences. Étudier n’est pas détruire. Et la lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes dans le cadre duquel rentre l’ABCD de l’égalité n’est pas un combat contre la différence.

Le combat contre les stéréotypes a encore de beaux jours !

Et lorsque on entend qu’« il n’y a pas de stéréotypes, mais juste un principe de réalité » tout en glanant ici et là des : « les femmes ont bien sûr des prédispositions pour certaines choses oui, elles sont moins… aventurières par exemple ! » ou de la part d’une jeune fille investie dans l’organisation de la manifestation : « l’égalité entre les salaires ?… Non, ce n’est pas vraiment important en fait… » on est en droit de penser que la lutte contre les stéréotypes n’est pas encore achevée…

Journaliste, monteuse : Mars Lefébure
Images, textes et voix off : Flore Viénot

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