Le 20 juin place de la bourse à Paris, la Terre a été vendue aux enchères… Sous la farce se dissimulent une froide réalité et un désir profond de changement de paradigme. En route, il est temps…

A Rio, 20 ans après le Sommet de la Terre de 92, tout le monde s’accorde sur un point : il y a urgence. Etats, entreprises et société civile voient la crise économique, écologique et sociale recouvrir la planète toute entière, s’étendre et se répandre. Déjà leurs orteils y trempent, à quand la submersion totale? Pour répondre à cette urgence, les Nations unies ont trouvé La solution : l’économie verte. Une « économie qui entraine une amélioration du bien être humain et de l’équité sociale tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux et la pénurie des ressources »1 . Jusque là, tout va bien. Une économie qui considère la nature non plus comme un « stock de ressources » mais comme « un capital naturel », source de « services écosystémiques »1. Aïe… Dans ce système économique, « les variations de stocks de capital naturel seraient évaluées en terme monétaire et intégrées aux comptes nationaux »1 Aïe aïe aïe…

Une économie « verte » ?

Sous le terme économie verte se cache une réalité bien moins respectueuse écologiquement et socialement qu’il n’y paraît de prime abord. ONGs et associations se mobilisent pour que soit connue et débattue cette solution miracle. Elles dénoncent la valorisation monétaire de la nature devenue bien de consommation marchandisé au détriment de l’environnement et des Hommes, et s’inquiètent du risque d’accaparement de ces richesses naturelles par les pays les plus riches (la Banque Mondiale souligne également ce risque). Elles pointent du doigt le droit à polluer, intégré dans la richesse nationale de la nature, et déplorent que la mise en place d’une économie verte ouvre grand la porte aux entreprises responsables de l’échec de la réalisation des objectifs des deux dernières décennies. Sylvain Angerand, coordinateur de campagne pour les Amis de la Terre s’offusque contre les abus que l’économie verte permet : « Labourer la terre libère du carbone, donc pollue. Monsanto a calculé que si un agriculteur utilise ses OGM il n’a plus besoin de labourer, car il suffit de mettre des pesticides. Si je ne laboure pas, je ne libère pas de carbone dans l’atmosphère et donc je peux avoir des crédits carbone. Monsanto est ainsi en train de faire la promotion de cette agriculture de conservation, à la base très respectueuse de l’environnement ! »

Glissement sémantique

Ce n’est pas seulement un ensemble de mesures qui est remis en cause mais surtout une manière d’envisager la vie, à long terme. De sommet en sommet un glissement sémantique s’est opéré et traduit ainsi l’incapacité des Etats et des entreprises à penser le long terme. Du sommet de l’environnement à Stockholm en 1972 – au delà des préoccupations temporelles et d’efficacité – nous assistons aujourd’hui au sommet du développement durable, nous sommes passés de l’écologie à l’économie. Le nez dans la crise, le long terme n’a pas sa place et l’urgence écologique est remise à plus tard. Pourtant la crise, c’est le choix (du grec Krisis). Elle marque le point culminant du presque trop tard, l’instant captivant où des décisions doivent être prises, le moment passionnant où les imaginaires doivent être décolonisés.

Vers un « Droit de la Nature »

Face à une crise planétaire les esprits du monde bouillonnent, et la société civile mobilisée tente d’insuffler cette ébullition dans les prises de décision. Créer un Droit de la nature avec ses propres lois, repenser la notion de valeur et de richesse, envisager le Bien commun comme alternative au tout économique… L’écologie est la connaissance des lois de la planète (du latin éco : la maison) et l’économie est la gestion de cette planète : ces deux domaines ne devraient il pas se rejoindre ?… Autrement dit, la société civile tente de redonner vie à l’objectif premier de tels sommets : s’engager ensemble dans l’aventure du vivre bien, créer « l’avenir que nous voulons » afin que l’explosion de colère, si proche, soit une explosion de joie et de vie.

 

Flore Vienot