Louis Georges Tin, militant contre le racisme et l’homophobie, a entamé une grève de la faim il y a bientôt trois semaines, dans l’indifférence médiatique quasi générale. Pour lui, il y a urgence que la France porte à l’ONU une résolution visant à dépénaliser l’homosexualité au niveau mondial. A ce jour, l’homosexualité reste pénalisée dans près de 80 Etats, dont 7 prévoient la peine de mort.


La question des homosexuels dans les pays du Sud intéresse très peu de gens.
Louis Georges Tin

Dépénalisation universelle de l’homosexualité

Près de 3 semaines après le début de leur grève de la faim, Louis Georges Tin, Alexandre Marcel – respectivement président et vice-président du comité IDAHO – et Usaam Mukwaya – réfugié ougandais en France – n’ont obtenu aucun résultat. Ces militants demandent que la France porte un projet de résolution pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité… une promesse faite par François Hollande au lendemain de son élection.

Depuis le matin du lundi 25 juin, Louis Georges Tin jeûne, la mort dans l’âme. Mis à part un article dans les Inrocks, Libération et quelques brèves ici et là, le président du comité IDAHO (International Day Against Homophobia and Transphobia) se sent boudé par les médias français. « Même l’AFP refuse de parler de nous, explique le militant. Je les ai contacté à plusieurs reprises et ils m’ont répondu que la personne en charge de ces questions était en vacances ».

Première promesse non tenue par le président Hollande ?

Le 10 mai dernier, lors d’un entretien privé, François Hollande se serait engagé à porter cette résolution devant les Nations-Unis. Mais depuis ce jour, c’est silence radio. Plus de nouvelle. Ni le Quai d’Orsay, ni Matignon, ni l’Élysée n’auraient donné suite aux demandes répétées des trois grévistes.

Malgré nos demandes, pas encore de réponse de l’Élysée. À Matignon par contre, on confirme avoir reçu M. Tin mais « sous sa casquette de Président CRAN » (Conseil représentatif des associations noires). Lors de cette rencontre dont le sujet était la lutte contre les discriminations, la question de la dépénalisation universelle de l’homosexualité n’aurait été abordée qu’en fin d’entretien. « M. Tin n’a fait qu’informer son interlocutrice qu’il entamait une grève de la faim », précise le service de presse du Premier ministre.

En revanche, le Quai d’Orsay confirme avoir été contacté par le président de l’IDHAO à ce sujet. Mais la diplomatie est un travail de longue haleine, explique un représentant du ministère des affaires étrangères.

D’autant plus que le processus serait déjà en cours aux Nations-Unis, initié par… l’Afrique du Sud. Le leadership d’un pays émergeant sur des questions telles est primordial, explique le responsable du dossier. « Nous nous employons à convaincre un à un les quelques 190 pays membres ».

Alors, pourquoi douter de la parole de François Hollande ?

Le 3 juillet, lors de son Grand Oral devant l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault a annoncé la légalisation du mariage homosexuel en France dès 2013. Alors pourquoi douter de la volonté de François Hollande en la matière ?

Pour Louis Georges Tin, tout est une question d’agenda international. Et par « international », il entend « états-unien ». En effet, à la fin de l’année 2012 (novembre) les Américains choisiront leur président. Non seulement Barack Obama peut être battu, mais Hillary Clinton a laissé entendre qu’elle quitterait la politique. M. Tin estime que « sans M. Obama et Mme Clinton, il sera très difficile d’obtenir le vote des Etats-Unis sur le sujet de l’homosexualité ».

La fenêtre de tir est donc mince. Pour le président de l’IDAHO il y a urgence. La France, pays des droits de l’Homme ne peut attendre le temps de la diplomatie, elle doit court-circuiter l’Afrique du Sud et soumettre cette résolution avant qu’il ne soit trop tard.

Au Quai d’Orsay, le raisonnement est tout autre. Certes, il y a une urgence, mais elle est d’ordre humaine car l’homosexualité est encore condamnée dans près de 80 pays et passible de la peine capitale dans 7. En effet, le leadership des Etats-Unis, au même titre que celui de la France, est nécessaire. Mais n’oublions pas qu’à l’ONU, un pays a une voix.

Pélagie Harbour
Image: Anglade Amédée
Montage: Etienne Broquet