En habillant d’une couche sociale son projet pour 2012, le fondateur de « République Solidaire » tente de redonner vie à un courant du gaullisme portée disparu depuis 40 ans. Laurent Galinon, un petit nouveau à LaTéléLibre, nous propose ici son premier reportage politique. Bienvenu à lui!

Révolutionnaire

Le terme employé par Dominique de Villepin pour définir son projet pour 2012 a dû en faire frémir plus d’un chez les nostalgiques du Général. Et pourtant, l’ancien premier ministre en est un.

Jeudi 14 avril, il a présenté une série de propositions « pour la France et les Français », qui, sur la forme, semble plus proche des idéaux de gauche que de son éducation gaulliste. La création d’un revenu citoyen à 850 euros pour les personnes sans ressources en est l’illustration parfaite. Villepin va même jusqu’à ressusciter la communauté européenne de défense (CED), un projet mort-né en 1953, contre lequel le général de Gaulle s’était farouchement opposé. Alors que se passe-t-il dans la tête de celui qui avait épaté les médias internationaux par l’emphase de son discours à l’ONU en 2003 ? Une conversion tardive aux idées marxistes? Certainement pas. Un tour d’escogriffe? Peut-être pas. Car Villepin ne trahit pas les siens. Son discours aux accents « solidaires » reste mâtiné de refrains gaullistes. La sortie de l’Otan, la France au centre de la diplomatie mondiale, le retrait des troupes françaises en Afghanistan sont des classiques du répertoire néogaulliste.

L’ombre de Chaban-Delmas

Ces proches, eux aussi, continuent d’alimenter le mythe. De la « révolution de la dignité », prôné par Villepin aux réformes sociales de 1944, il n’y a qu’un pas que le député Jean-Pierre Grand n’hésite pas à franchir. Jean-Pierre Grand est l’un des deux derniers irréductibles à suivre Dominique de Villepin. En 2007, cet ancien collaborateur de Chaban-Delmas a été renvoyé de l’UMP. C’est peut-être dans cette filiation qu’il faut déchiffrer la ligne politique de Dominique de Villepin. Jacques Chaban-Delmas a toujours été lié au mouvement du « gaullisme social ». En 1969, alors qu’il est premier ministre du gouvernement Pompidou, son concept de « Nouvelle Société » provoque l’ire de la famille gaulliste. Orientée vers un « dialogue social » et attentive aux « ambitions humaines », « la Nouvelle Société » traçait une nouvelle ligne, celle du gaullisme social, avant de mourir dans l’œuf avec l’échec de son candidat à la présidentielle de 1974.

Un homme seul

C’est vraisemblablement sur les traces de Chaban que souhaite se lancer l’ancien premier ministre. Mais pour le moment, Villepin semble bien seul à brandir le chiffon bleu du « gaullisme social. » Seul face à la majorité UMP et à l’opposition. Une posture gaulliste, certes, mais qui n’a rien de rassurante. Pis encore, ses troupes sont décimées. A la suite du discours du 14 avril, le porte-parole de « République Solidaire », Daniel Garrigue, a claqué la porte du parti. C’est le deuxième porte-parole du mouvement à démissionner en six mois. Un ancien proche de Villepin confiait, vendredi, dans Libération :  » Le revenu citoyen est une mesure d’assistanat à gauche de la gauche. Il est en phase de perdition. Je crains qu’il ne consulte plus personne. » A force de vouloir enfiler les habits du général, Villepin pourrait lui aussi subir la traversée du désert. Alors que ni la majorité, ni l’opposition n’ont réagit après son discours, Villepin doit veiller à ce que sa « république solidaire » ne se transforme en aventure solitaire.

Laurent Galinon