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SAINTE JUSTICE, PRIEZ POUR NOUS, PAUVRES LAÏCS !

Incroyable, mais vrai ! Le Bâtonnier de Créteil, invite ses confrères avocats à une « messe de rentrée » dans la cathédrale, ce lundi 20 septembre ! Pire, toujours à la demande du Bâtonnier, le Greffier en chef du Tribunal de Créteil, encourage officiellement les fonctionnaires du Tribunal à se rendre à cette messe sur leurs horaires de travail ! Les pères de la laïcité à la française doivent se retourner dans leurs tombes… Une enquête exclusive de LaTéléLibre.

Au départ, on dirait un canular. Le 15 septembre, dans un communiqué adressé à ces collègues du barreau du Val-de-Marne, le Bâtonnier Arnaud Bernard convie ses confrères « pratiquants ou non » à une « messe de rentrée ». La « célébration » sera officiée par Monseigneur Sentier, l’Evêque du Val de Marne, avec qui le Bâtonnier entretien « des liens privilégiés », ben voyons. On pourra même boire des coups après la messe « lors d’une petite réception », afin d’apprécier « l’ouverture de l’Eglise au monde judiciaire ». On croit rêver, mais attendez la suite.

Sous l’en-tête de l’Ordre des Avocats, le Bâtonnier Bernard, convoque les « pratiquants ou non », c’est à dire ceux qui vont à la messe et même ceux qui n’y vont pas. Sympa de sa part. Mais dans sa formulation, et comme il s’agit d’une célébration catholique, il oublie de fait, d’inviter les protestants, les juifs, les musulmans et tous ceux qui ne croient pas en Dieu. C’est réducteur, et particulièrement problématique d’un point de vue éthique, surtout que le Bâtonnier, élu par les avocats du département, est considéré comme un auxiliaire de justice.

Plusieurs avocats de Créteil on réagit à cette « drôle » d’invitation, et le Bâtonnier  s’est alors fendu d’un communiqué d’excuses : « Si des confrères ont été choqués, je présente mes excuses. Je n’aurais sans doute pas dû utiliser un papier à en-tête de l’ordre des avocats. C’était une initiative personnelle qui était bien évidemment ouverte à tout le monde« , a expliqué Me Bernard, récusant tout « prosélytisme« . Dont acte. Mais ce n’est pas fini.

Dans son enthousiasme, le Bâtonnier avait envoyé le même jour un mail au Greffier en Chef du Tribunal. Il souhaitait que tous les fonctionnaires du Tribunal puissent assister à la messe dans la cathédrale, c’est vrai qu’elle est grande et que ce serait mieux si elle était pleine...

La réponse ne tarde pas. Dès le lendemain, la secrétaire du Greffier, demande à tous les chefs de services de dresser une liste des personnes qui souhaitent se rendre à la messe à 11h30, « afin qu’ils soient couverts en cas d’accident de trajet ». Non seulement, les fonctionnaires peuvent se déplacer en toute sécurité, mais ils bénéficient de la bénédiction de leur hiérarchie pour quitter leur poste vers 11h00, pour aller à la « messe de rentrée », et ce au frais du contribuable. Nous sommes là en totale contradiction avec les principes républicains de séparation entre l’Eglise et l’Etat.

En France, la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, fondement de notre République, a clairement établi la frontière entre les croyances religieuses et la vie publique. La République ne se réfère à aucune organisation religieuse dans l’exercice des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires. Toute manifestation d’appartenance à une organisation religieuse doit ainsi être exercée dans le cadre privé, et uniquement privé. L’ordre qui régie la Justice dans un Etat laïc et Républicain est professionnel, et pas confessionnel.

Le fait que des représentants d’avocats ou des magistrats assermentés nient ou oublient ces préceptes inaliénables est le symptôme d’une contestation profonde des valeurs qui nous réunissent encore…

Une affaire que LaTéléLibre a décidé de suivre.

John Paul Lepers
Pélagie Harbour