PREMIER REPORTAGE Jusqu’à la flambée de violence de la semaine passée, la crise en Thaïlande n’avait pas suscité…

PREMIER REPORTAGE

Jusqu’à la flambée de violence de la semaine passée, la crise en Thaïlande n’avait pas suscité beaucoup d’attention de la part des médias français. Avant les récents évènements, trois jeunes apprentis journalistes avaient mené l’enquête, et c’était leur première…

Justine, Daryl et Sofien font partie de la première promotion « Reporter-Citoyen » que LaTéléLibre a montée en partenariat avec l’EMI, l’École des Métiers de l’Information. Une opération de formation au web-journalisme, réservée aux jeunes qui n’ont ni les moyens ni les réseaux pour entrer dans le monde clos des médias. Nous vous l’avions annoncé ici-même.

Les trois apprentis journalistes ont saisi l’occasion d’un stage pratique d’une semaine à LaTéléLibre pour s’intéresser à ce conflit, essayer d’en cerner les raisons, et tenter de comprendre pourquoi nous en parlions si peu. Ils ont enquêté à Paris sur la crise à Bangkok, quelques jours avant que le face-à-face ne se durcisse.

Daryl John (Créteil-94), Sofien Murat (Stains-93) et Justine Le Cor (Boulogne-Billancourt-92)

Après avoir interrogé des Français dans la rue, dialogué avec un journaliste indépendant à Bangkok, rencontré l’ambassadeur de Thaïlande en France et les représentants d’associations thaïs à Paris, les trois jeuens livrent leurs conclusions : cette crise reflète d’abord un conflit social, la société thaïlandaise s’efforce de limiter le recours à la violence, et les jeunes thaïs voient dans ces manifestations un progrès vers la démocratie. Justine raconte ces quelques jours d’enquête, réalisée voilà trois semaines.

Thaïlande : une marche vers la démocratie en musique ?

Lundi matin, 26 avril 2010, début du stage des Reporters citoyens à LaTéléLibre. La première idée qui nous vient à l’esprit est d’aller à la rencontre de Thaïs vivant à Paris : il nous semble que leur regard sur ces événements permettra de mieux les comprendre. La seconde source qui s’impose à nous est l’ambassade « royale » de Thaïlande, dans le XVIe arrondissement de Paris, afin d’avoir, cette fois, un point de vue officiel sur le conflit.

Pour parvenir à rencontrer des Thaïs résidant en France, nous pensons à des étudiants. Nous tentons de savoir où ils résident, d’abord par le biais du service « éducation thaï » en France. On refuse de nous répondre. Nous appelons ensuite les cités universitaires de Paris afin de savoir s’il y a des Thaïs dans l’enceinte de la section internationale. Là encore, nous nous heurtons à un refus, « par respect envers les étudiants thaïs qui vivent ici ». Cette réponse nous pousse à croire qu’il nous sera possible d’en rencontrer sur place. Pas de chance : en deux heures d’exploration, nous trouvons une dizaine de nationalités différentes… tout sauf des Thaïs ! Heureusement, Sofien contacte la vice-présidente d’une association thaïe, qui accepte d’organiser une rencontre mercredi matin.

Nous appelons ensuite l’ambassade de Thaïlande pour tenter d’avoir un entretien avec l’ambassadeur. Nouveau refus. Nous y allons quand même et, après avoir rencontré la chef du service de communication, nous obtenons le principe d’une interview… à condition d’envoyer nos questions par mail.

John Paul Lepers nous apporte alors une aide précieuse en nous donnant les coordonnées d’un de ses amis, Olivier Rotrou, reporter de guerre indépendant, qui couvre la crise de Bangkok depuis le début. Il accepte de faire une interview par Skype avec nous.

Nous disposerons donc de trois sources, et chacune apportera son éclairage sur le sujet.

Nous essayons d’abord de comprendre ces événements d’un point de vue politique. Officiellement, les chemises rouges demandent un amendement de la constitution qui a légitimé le gouvernement en place après le coup d’Etat de 2006, le départ du Premier ministre actuel, et l’organisation d’élections législatives anticipées. Mais certains « rouges » veulent aussi le retour de l’ancien Premier ministre, aujourd’hui en exil, et d’autres pas. La situation est « très compliquée », explique Olivier Rotrou. Certains sont pro-royalistes, d’autres pas. En face, les « jaunes » soutiennent le gouvernement, mais on constate là encore des options politiques différentes au sein de leur mouvement.

En revanche, après les explications des Thaïs de Paris et d’Olivier Rotrou, on peut identifier les « rouges » comme représentant les paysans, la classe populaire, et les « jaunes » comme  l’élite thaï. A l’évidence, il ne s’agit plus là d’une crise politique mais de l’expression d’un réel conflit social.

La seconde chose qui nous frappe, c’est la forme particulière de ce conflit, notamment le face-à-face entre la police et les chemises rouges. En France, il aurait été impossible que 50 000 manifestants s’installent « comme dans un camping », selon la description d’Olivier Rotrou, en plein cœur de Paris, durant six semaines. Et le visionnage des images est très surprenant : de la musique classique – ou en tout cas très « zen » – est diffusée pendant les interventions ! Ceux que nous avons rencontrés y voient l’expression de la culture pacifique thaï. L’ambassadeur explique qu’il s’agit d’un chant appelant à l’union du peuple. Voix officielle et voix du peuple sont d’accord sur l’enjeu : éviter la violence à tout prix.

S’il apparaît brutal, ce conflit est en réalité assez calme et pacifique. Dans les médias, nous ne voyons que quelques images de violence, car les télévisions françaises ont choisi de le montrer ainsi. Olivier reconnaît d’ailleurs qu’il est difficile de vendre ces images : « Même si elles sont belles, elles ne sont pas assez brutales ». Et le bilan actuel – vingt-sept morts en sept semaines de confrontation entre des dizaines de milliers de manifestants et l’armée – aurait sans doute pu être plus lourd.

Une troisième chose retient notre attention : l’espérance de la jeunesse. Lors d’une discussion à la terrasse d’un restaurant parisien, les jeunes Thaïs nous expliquent qu’ils voient dans ces protestations une progression vers la démocratie : que des opinions diverses se soient ainsi exprimées publiquement est le signe que « les Thaïlandais commencent à apprendre à vivre avec la diversité » et vont vers « la fin d’un mode de pensée unique », forme d’éducation qu’ils ont tous vécue, jeunes ou plus âgés.

Les médias français auraient-ils peur de traiter cette crise comme ce qu’elle est réellement : une marche vers la démocratie, un sincère refus des inégalités et un apprentissage de la diversité des idées ? Malgré l’image violente qui en a été donnée, nous y aurions presque vu une leçon de démocratie.

Justine Le Cor (Boulogne-Billancourt-92)
Daryl John (Créteil-94)
Sofien Murat (Stains-93)


REPORTER-CITOYEN DANS LA PRESSE

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Publié le 16 décembre 2009


REPORTER-CITOYEN, APPEL À CANDIDATURE

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