Médias en crise cherchent solution durable, actionnaires avides s’abstenir Journalistes sous influence, journalistes chiens de garde du pouvoir, journalistes…

Médias en crise cherchent solution durable, actionnaires avides s’abstenir


Journalistes sous influence, journalistes chiens de garde du pouvoir, journalistes people, journalistes sarkomaniaques, ou sarkophobiques… Les journalistes se font souvent traiter de tous les noms d’un coté, et de l’autre, la crise économique qui traverse une partie de la presse les rend de plus en plus précaires. Pris entre le marteau du public et l’enclume de leurs employeurs (et souvent actionnaires), ils sont les premiers à craindre pour la qualité de l’information qu’ils délivrent. A quelques jours du discours de Nicolas Sarkozy sur la presse, ils étaient 300 réunis le 20 janvier 2009 en Assises du journalisme, pour élaborer leurs propres propositions avec quelques rares représentants du public et des éditeurs.

L’audiovisuel public licencie (206 salariés sur 1000, dont 100 journalistesà RFI), l’audiovisuel privé perd des recettes publicitaires, les quotidiens nationaux des lecteurs (de 2000 à 2007, leur chiffre d’affaire est passé de 1,145 milliard d’euros à 848 millions); quant aux médias sur internet, ils cherchent encore un modèle économique viable. La crise n’épargnera pas les médias, mais pour eux la crise financière est plus ancienne. Parallèlement l’indice de confiance dans les médias reste faible: 42% des personnes interrogées doutent que les médias rapportent les faits tels qu’ils se sont passés (Sofres, janvier 2009). Au final, la crise économique et la crise de confiance se nourrissent l’une l’autre. Comment sortir de ce cercle vicieux? La question agite beaucoup la profession, surtout depuis que le président Sarkozy a lancé en mai 2008 les Etats généraux de la presse écrite. Plusieurs commissions ont été créées et ont rendu en janvier 2009 un livre vert assorti de 93 recommandations. Un processus louable mais qui a fait la part belle aux éditeurs et aux directeurs de rédaction, et laissé de côté les journalistes plus anonymes de l’avis même des syndicats de journalistes qui participaient au début aux Etats généraux puis les ont quittés. D’où l’importance de ces Assises Internationales du Journalisme (les troisième du genre) tenues à quelques jours du discours dans lequel le chef de l’Etat allait lui même donner ses conclusions. Quelques 300 journalistes y ont participé. Sur les 37 000 journalistes ayant la carte de presse, c’est peu, mais c’est déjà ça, car la mobilisation collective est difficile dans cette profession.

Ces Assises furent l’occasion pour les journalistes d’exprimer leur malaise mais surtout d’élaborer 14 propositions (http://www.journalisme.com/content/view/789/150/). Parmi elles, l’idée de donner un statut juridique aux rédactions pour qu’elles puissent peser sur les choix éditoriaux et remettre le contenu au centre du projet, plutôt que la rentabilité. C’est ce qui se passe dans certains médias déjà (Libération, Le Monde, le Nouvel Obs, Sud Ouest..) mais les éditeurs refusent qu’on généralise ce fonctionnement et qu’on l’impose par la loi. Actuellement les journalistes ont le droit de se mettre en association au sein de Sociétés de Journalistes qui ne traitent que des questions de déontologie mais elles n’ont aucun pouvoir. Donner plus de pouvoir aux journalistes… est-ce la solution pour restaurer la confiance avec les lecteurs, auditeurs, téléspectateurs? En tout cas, pour le chef de l’Etat, ce n’est pas la solution aux problèmes économiques de la presse, cela risque même de pénaliser encore les entreprises de presse et d’éloigner les investisseurs. Comme si le fait que des journalistes se soucient de la qualité de leur média était un handicap et mettait en danger sa rentabilité. Nicolas Sarkozy a donc tranché, il est contre: les sociétés de journalistes ou de rédacteurs (SDR) ne seront pas reconnues par la loi. Il y a tout de même des aspect positifs dans son intervention, concernant les médias sur Internet. Et si l’une des solutions au divorce entre le public et la presse passait aussi par là? Autre piste possible, mais là un autre problème se pose: les internautes sont-ils prêts à payer pour un journalisme de qualité??? Pour info, la Télélibre fonctionne avec un salarié et…. des centaines de bénévoles.

Marie Varagna
Vincent Chirol
Olivier Joube
Julien Chalais

POUR INFO:

Voici les principales mesures du plan d’aide à la presse française présenté le 23 janvier 2009 par le président Nicolas Sarkozy.

Ces mesures sont pour la plupart tirées du Livre vert des états généraux de la presse écrite sur lequel ont travaillé environ 150 professionnels depuis octobre dernier.

MESURES D’URGENCE

– Report d’un an de la hausse de tarifs prévue dans l’accord Poste-presse. Le manque à gagner pour la Poste, évalué à environ 12 millions d’euros, sera compensé par l’Etat.

– Doublement de la part de la presse dans les dépenses de communication de l’Etat, qui passerait de 20% à 40%.

– Exonération des cotisations sociales personnelles de 30%, soit environ 4.000 euros par exploitant, pour les diffuseurs de presse dont la vente est l’activité principale.

NUMÉRIQUE

– Création d’un statut d’éditeur en ligne qui ouvrira le droit au régime fiscal des entreprises de presse, sous condition de l’emploi de journalistes professionnels.

– Renforcement significatif de l’aide au développement de la presse en ligne.

– Développement du mécénat, avec des fonds gérés par la Caisse des dépôts ou des fondations, qui pourront lever des dons de particuliers ouvrant droit à une réduction d’impôt de 66%.

– Adaptation au numérique du régime des droits d’auteur des journalistes.

DISTRIBUTION

– Développement de l’aide au portage. Augmentation de l’aide de l’Etat de 8 à 70 millions. Nicolas Sarkozy a estimé que cela pourrait créer 18.000 emplois pour des personnes en voie de réinsertion, des étudiants, de jeunes retraités, etc.

– Développement du réseau sous toutes ses formes : kiosques, diffuseurs spécialisés, buralistes, grandes et moyennes surfaces, stations-services, etc.

– Améliorer les conditions de travail, plafonner les invendus, permettre aux diffuseurs qui le veulent d’accueillir des présentoirs de gratuits, informatiser le réseau, etc.

– Création d’une mission nationale visant à identifier et lever, dans un délai d’un an, les obstacles techniques et administratifs à la création de nouveaux points de vente.

PRODUCTION

– Négocier un nouveau contrat social au sein des imprimeries de presse afin de réduire de 30% à 40% le coût de l’impression et de moderniser les règles de gestion.

– L’Etat désignera, si nécessaire, une personnalité chargée de la négociation en son nom. Il demandera la mise en oeuvre d’un plan national de rationalisation et, quand cela est possible, de mutualisation des imprimeries.

MÉTIERS DU JOURNALISME

– Tenue rapide d’une conférence nationale des métiers du journalisme réunissant écoles, journalistes et éditeurs.

– Favoriser la diversité socioculturelle dans les écoles de journalisme.

GROUPES DE PRESSE

– Extension de la loi Sapin à tout le hors médias et à toute la publicité qui transite sur internet afin de mettre la presse en situation égale dans l’accès au marché publicitaire.

– Inciter les particuliers à faire des dons aux entreprises de presse par un dispositif fiscal.

– Lever, par des conventions bilatérales, le seuil maximal de 20% de capital pour un investisseur non-communautaire dans une entreprise française de presse.

– Réorganisation des systèmes d’aide à la presse.

JEUNESSE

– Proposer aux jeunes de 18 ans un abonnement d’un an gratuit à un quotidien de leur choix, le journal étant payé par l’éditeur, et le transport par l’Etat.

– Développement de la lecture de la presse à l’école.

DÉONTOLOGIE

– Elaboration d’un code de déontologie annexé à la convention collective des journalistes.

– Création de chartes éditoriales dans les titres.
Liens intéressants:

Un article du Monde diplomatique qui aborde le débat sur la reconnaissance des rédactions
http://www.monde-diplomatique.fr/2007/05/RIMBERT/14730

Le site des Assises Internationales du Journalisme: http://www.journalisme.com/content/view/510/148/
Les propositions faites lors de ces Assises: http://www.journalisme.com/content/view/789/150/
Le site des Etats Généraux de la Presse Ecrite lancés par Nicolas Sarkozy: http://etatsgenerauxdelapresse.fr
avec le discours de Nicolas Sarkozy lors de ses voeux à la presse
et le livre vert rendu par les 148 personnes qui ont planché plus de trois mois sur le sujet

Article critique sur le processus des Etats Généraux de la presse écrite
http://www.clubdelapressenpdc.org/spip.php?article7565&PHPSESSID=18fcf0cbe974238096d684d2f406c39d

Le site de Journalisme et Société, l’association qui organise chaque année les Assises Internationales du Journalisme
Le discours de Nicolas Sarkozy lors de ses voeux à la presse:http://www.elysee.fr/accueil/

Etude Sofres sur la confiance des français dans les médias
http://www.tns-sofres.com/points-de-vue/E69E404147664AE19B85EED7EDA0995A.aspx
http://www.la-croix.com/illustrations/Multimedia/Actu/2009/1/7/barometre-medias.pdf

L’émission des matins de France Culture le 30 janvier 2009, avec Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération, pour son livre: « La média-paranoïa ».
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/matins/fiche.php?diffusion_id=70149