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Le parquet de Paris a ordonné le décrochage de photos d’Oleg Kulik. Des policiers sont intervenus pour confisquer les clichés jugés zoophiles.

C’était la semaine dernière, vendredi dernier, le 24 octobre, vers 17h, à la fiac, au Grand Palais à Paris. Des policiers en civil sont intervenus sur le stand de la galerie moscovite XL pour procéder au décrochage d’une partie des œuvres de Oleg Kulik. Ce photographe/performeur russe qualifié de « fou » par  certains de ses pairs présente depuis plus de vingt ans un travail très décalé sur la question de la frontière entre humain et animal. Lui même dit « ne jamais [avoir] été un homme. En effet, être un homme exige l’exclusion de tout ce qui est non humain, que ce soit animal ou divin. » Ainsi, on l’avait vu lors d’un vernissage, nu et attaché en laisse, aboyer contre les passants, et en mordre l’un d’eux. Il a également posé nu dans une porcherie, mis sa tête dans les fesses d’une vache, s’est recouvert le torse de tétines…

Cette homme dérange, vous l’aurez compris. C’est donc au nom de l’article 227-4 du code pénal relatif à la diffusion d’images à caractère violent ou pornographique susceptibles d’être vues pas des mineurs que le parquet de Paris a censuré le travail de Kulik, présumé zoophile. Les photos, d’abord confisquées, ont depuis été rendues au directeur de la fiac, Martin Bethenod. Pour lui, « l’incident est grave. Avant la saisie par la police, des milliers de visiteurs de la Fiac, professionnels ou simples curieux, avaient pu voir l’œuvre de Kulik sans qu’aucune réaction hostile m’ait été signalée. De plus, nous avions apposé à proximité un avertissement signalant que certaines images étaient susceptibles de choquer un public non averti», a-t-il affirmé à Libération.

Il tient également à préciser que «les images de Kulik sont des images à caractère artistique au sens fort du terme, c’est-à-dire à considérer comme des interprétations du réel. Les œuvres de Kulik sont une interrogation sur ce qui se passe entre l’humain et l’animal, entre l’humain et l’inhumain. Il serait plus que navrant qu’on remette en cause le droit des artistes à être des artistes. Le thème de Léda et le cygne tel qu’il est traité dans la peinture classique relève-t-il d’une publicité pour la zoophilie ?»

Cet événement met en question la place de l’art et ses limites dans la société. Peut-on, sous prétexte que c’est de l’art, tout tolérer? Ou doit-on procéder à une réglementation de l’art par la censure?

Pour vous faire une idée, vous pouvez jusqu’au 14 novembre voir le travail de Oleg Kulik (non-censuré) à la Galerie Rabouan-Moussion (121, rue Vieille-du-Temple, Paris IIIe).

Vous pouvez aussi relire Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, ou en revoir l’adaptation de Truffaut, et replonger dans cet univers futuriste (à l’époque) où l’on brûlerait les livres de peur qu’ils ne dérangent la société en permettant aux individus de se former une conscience personnelle.

Un monde qui refuse  toute représentation publique de la folie, jusque dans l’art, est bien inquiétant.

Elliot Lepers