On dit qu’on se rappelle toujours des premières fois, et bien Nicolas Sarkozy risque de se souvenir longtemps…

On dit qu’on se rappelle toujours des premières fois, et bien Nicolas Sarkozy risque de se souvenir longtemps de son premier passage télé dans les locaux d’une chaîne en tant que Président. Au milieu de salariés hérissés, La TéléLibre.fr a attendu l’arrivée du Président, rendue houleuse ce lundi-là par la récente annonce du changement de mode de nomination du Président de France Télé.

Ce rendez-vous avait tout d’une grande première.
« Plus belle la vie ! Sans Sarkozy ! » armé de son mégaphone, Jean-François Téaldi, porte parole de la CGT à France 3, galvanise ce lundi 30 juin 2008, le milliers de salariés présents devant l’entrée de France Télévisions. Il est six heures, les membres de la rédaction de l’audiovisuel public attendent avec impatience « le retour de Nicolas » dans la « maison France Télé » .

« On veut faire de son retour un moment inoubliable » ironisent deux journalistes de la Rédaction Nationale. Mais derrière ce sourire de facade, les salariés en ont gros sur « la patate ».

L’annonce, le 8 janvier dernier, par Nicolas Sarkozy de la suppression de la pub a déclenché un séisme, et provoqué de vives inquiétudes quant « à l’avenir de 11 500 salariés ». « Chaque jour, il y a un nouvel événement qui enfonce un peu plus le service » conclut un monteur de la rédaction.

Dernier événement en date, la nomination par le président de la République du PDG de France Télévisions.

Le 25 juin dernier, lors du rendu par Jean-François Copé du rapport sur l’avenir de l’audiovisuel public, le Président de la République sort de son chapeau cette préconisation signée de son nom. « Je prends mes responsabilités » s’interrompt-il, balayant du regard la marée de journalistes installée devant lui. Puis il reprend, avec un malin plaisir : « le PDG de France Télévision sera, désormais, désigné par l’exécutif, avec l’avis du CSA et l’aval de parlementaire qualifiés ». Malgré les « crans de sûretés », les membres de la rédaction de France Télévisions s’inquiètent « quant à l’absence de séparation des pouvoirs et à l’atteint de la liberté d’expression ». Jean-François Téaldi va même jusqu’à comparer France Télévisions à son ancêtre, ce sera maintenant « comme le nouvel ORTF » du petit écran. Plus radical, un journaliste sportif, interrogé sur les « crans de sûreté » va même jusqu’à remet en cause « l’indépendance du Parlement. »

Second sujet de discorde entre Nicolas Sarkozy et France Télévisions, le projet de réorganisation de France 3 annoncé par Jean-François Copé, le 11 juin dernier.

« La commission souhaite renforcer l’identité régionale de France 3 » et ceux « par un renversement complet de son mode de fonctionnement » avait déclaré jean-François Copé. Ainsi, « au lieu d’une chaîne nationale et de décrochages régionaux, nous proposons un réseau de chaînes régionales et un décrochage national » avait précisé le président de la commission.

L’avenir de France 3 incertain

Pour y arriver, la commission propose de réduire le nombre bureaux régionaux à sept au lieu de treize actuellement (Alsace, Aquitaine, Bourgogne Franche-Comté, Corse, Limousin Poitou-Charentes, Lorraine Champagne-Ardenne, Méditerranée, Nord-Pas-de-Calais Picardie, Normandie, Ouest, Paris Ile-de-France Centre, Rhône-Alpes Auvergne, Sud). Chacun des bureaux proposera des programmes différents pendant la majeure partie de la journée. Les 7 chaînes n’ayant un programme commun qu’à l’heure des journaux télévisés. Un projet « intéressant » selon l’intersyndicale du groupe, mais qui n’a aucun n’avenir sans financement. « Un tel projet coûterait un milliard d’euros supplémentaire » précise Marc Chauvelot avant d’ajouter « Ils faut déjà qu’ils réunissent les 800 millions d’euros de manque à gagner avant de penser à la régionalisation de France 3 ».

Face aux vives contestations, Nicolas Sarkozy a décidé de renvoyer à plus tard le projet de régionalisation, « lorsque les compétences éditoriales et le financement seront réunis ». La balle est au centre et c’est, désormais, au tour des dirigeants de France télévisions et de l’intersyndicale, sous l’œil vigilant de l’Etat, de trouver une solution.

L’avenir de France 3 reste donc incertain, mais cette vive contestation ne doit pas cacher « le manque de rentabilité de certaines régions » avouent à demi mots une majorité de journalistes de la rédaction nationale.

« Les régions coûtent 350 millions par an à France 3, c’est la moitié du budget de la chaîne. Il y a sans doute des améliorations à apporter pour être plus efficace » concède un délégué syndical.

Sous le coup de l’émotion, suite à l’accueil « chaleureux » des salariés de France Télévisions, Nicolas Sarkozy n’a pas pu retenir ses nerfs. Après un long monologue d’une heure sur son projet pour l’Europe, le Président a tenu, par politesse, à rendre l’appareil (!) aux salariés. Tel un matador, armé de couteaux aiguisés, le chef de l’Etat s’est attaqué à la délicate question de la nomination du président de France Télévisions.

Le chef de l’Etat constate que le système de nomination actuel n’est pas efficace. Nicolas Sarkozy se demande comment est-il possible de « faire tourner une boutique » comptant « 6000 à France 3, 11 000 sur l’ensemble, avec des présidents qui changent tous les trois ans ? »

Olé ! Le matador ! Avec au passage un petit tacle pour France Télévisions, et une spéciale dédicace pour France 3. Manquant de répartie, les journalistes présents sur le plateau laissent le Président continuer sur sa lançée. « Avec la nomination par l’Etat » du PDG de France Télévisions, « avec l’avis du CSA » et du Parlement « on saura qui est responsable des bons et des mauvais programmes » précise-t-il.

Avant de conclure « Quand l’équipe fera son travail (correctement), elle continuera, quand l’équipe ne fera pas son travail, elle changera ». Paul Nahon, directeur de la rédaction de France 3 clôt le débat sur cette question.

Au final, Nicolas Sarkozy aura réussit à faire passer son message mais il n’aura pas rassuré les salariés du groupe. Selon une source sûre, l’intersyndicale de France Télévisions se prépare à des actions coups de poing, qui devraient avoir lieu au cours de l’été.

Benoît Gauthier
Caméra : Maxime Lesage
Montage : Anthony Santoro

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