Nouveau coup de boutoir et nouvelle claque infligée par Nicolas Sarkozy aux enseignants. Le président de la République veut en effet rendre obligatoire l’accueil des enfants dans les écoles lors des jours de grève. Une décision qui, selon l’opposition de gauche, remet en cause le droit de grève et scandalise un peu plus le monde de l’éducation.

dessin : xavier lacombe

« Le droit de grève, pour moi, c’est une limite à ne pas franchir. » Cette limite, dont parle Gérard Aschieri, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU), Nicolas Sarkozy l’a allègrement franchie, voire piétinée, le 15 mai dernier. Comment ? En annonçant que son gouvernement déposera, avant l’été, c’est-à-dire demain, un projet de loi sur l’accueil obligatoire des enfants dans les écoles les jours de grève. Une atteinte au droit de grève pour la gauche. Et une annonce qui n’a pas manqué d’irriter les quelques milliers d’enseignants qui défilaient dans la rue, jeudi, contre les suppressions de postes annoncés dans l’Education nationale.

Passage en force du chef de l’Etat

Selon le chef de l’Etat, « la grève crée des difficultés insurmontables, en particulier aux parents les plus modestes ». Son devoir ? « Les entendre » et, donc, rendre obligatoire le service minimum cher à Xavier Darcos. Il faut dire que le ministre de l’Education avait préparé le terrain, il y a quelque temps, en annonçant qu’en l’absence d’accord avec les syndicats enseignants, il serait obligé de « passer par la loi ». Son président l’a entendu et devancé. Faisant, par la même occasion, fi du droit de grève ? Non, non, non, affirme-t-on dans les rangs de l’UMP. Le chef de l’Etat démontre seulement qu’il est à l’écoute des Français en défendant, coûte que coûte, « les principes de continuité du service public », commente Patrick Devedjian, secrétaire général de l’UMP.

Passer par la loi, mais surtout passer en force. Jeudi 15 mai, jour de grève dans la fonction publique, et notamment dans l’Education nationale, sur les quelque 23 000 communes qui comptent un établissement scolaire, seules 2 837 communes ont accepté d’appliquer le dispositif de service minimum d’accueil (SMA). C’est dire si la mesure a dû mal à séduire. Et si, bien sûr, les villes étiquetées à gauche refusent en bloc la mise en place d’un service minimum dans leurs communes, la surprise vient des villes… de droite ! A l’instar, par exemple, de la ville de Puteaux, où la député-maire UMP, Joëlle Ceccaldi-Raynaud, a semble-t-il refusé l’application du SMA. Ou encore… de Saint-Quentin, ville dont l’un des adjoints au maire n’est autre que l’actuel ministre du Travail, Xavier Bertrand. La raison ? Elle change d’une ville à l’autre. Mais, le plus souvent, ce sont les incertitudes juridiques du système, notamment en terme de responsabilités, qui sont pointées du doigt ou encore la lourdeur du dispositif.

Opération séduction : le retour !

Alors, certes, il ne faut pas oublier – et Nicolas Sarkozy ne l’a pas oublié – que 60% des Français approuvent l’idée du SMA. Pourquoi donc le président de la République se priverait-il de satisfaire les Français qui le boudaient depuis le début de l’année ? On voit bien là que cette nouvelle annonce participe de l’opération séduction ou « re-séduction » qu’il a entamé depuis quelques semaines. Celui qui, aujourd’hui, doit être plus séduit qu’hier, c’est André Santini.
La veille de la journée de mobilisation, il suggérait presque de remplacer la grève par le port d’un « brassard à la japonaise ». Une idée originale qui, à n’en pas douter, devrait plaire au milieu enseignant et, plus généralement, aux défenseurs du droit de grève…

Aurélie Piel