Le petit format du rendez-vous annuel du Front National en l’honneur de la pucelle d’Orléans illustrait bien, ce…

Le petit format du rendez-vous annuel du Front National en l’honneur de la pucelle d’Orléans illustrait bien, ce 1er mai, les difficultés que traverse le mouvement. Entre déboires électoraux, désaffection des militants et problèmes financiers, le parti d’extrême droite, un an après l’ « OPA sarkozyste » sur son électorat, a du mal à remonter la pente, mais ne désespère pas. Les luttes de succession, peu lisibles, sont étouffées ce jour, mais le climat, assez lourd, est bien sûr marqué par le tout récent coup d’éclat, sulfureux à souhait, du vieux chef (encore une fois) sur les chambres à gaz, « détail de l’Histoire »…

Alors que nous publions ce reportage, l’on apprend de source judiciaire que Jean Marie Le Pen fait l’objet d’une enquête préliminaire menée par le parquet de Paris, cette fois pour « discrimination raciale et discrimination religieuse ». La cause : avoir qualifié une nouvelle fois les chambres à gaz de « détail » de la seconde guerre mondiale dans son entretien au magazine Bretons.

L’itinéraire 2008 a été changé, contrairement à d’habitude, le cortège n’aboutit pas place de l’Opéra, mais y démarre. Et s’achève aux Pyramides, sur une place bien moins monumentale, où Jean-Marie Le Pen, 80 ans cette année, doit prononcer son discours de vieux chef. De quoi masquer la désaffection des participants…
Ils sont 2000 environ, selon la plupart des observateurs… Un peu moins, selon la police, plus de 6000 selon le mouvement frontiste. Il y a les anciens combattants du Front, comme d’habitude, et puis des skinheads bien sûr. Mais aussi des militants tout frais, tout jeunes, dont la présence surprend. Une jeunesse aux slogans du style : « Sarko Facho », ou « Liberté d’expression pour Bruno Gollnish ».

Tout de suite on le sent, ce 1er mai restera un 1er mai de transition. La démonstration de force dans les rues de l’espace public parisien, en hommage à Jeanne d’Arc, tradition oblige, est bien modeste. Les militants, on les entend de loin, inquiets : « Le FN est mort ». Et puis, quand on s’approche, avec la caméra, le discours c’est le contraire : « mais non ! le FN n’est pas mort ». Et pourtant chacun le sait, le parti traverse une mauvaise passe : les déboires électoraux et les difficultés financières (qui en découlent). Le Paquebot, siège du parti en banlieue parisienne, à Saint-Cloud, en vente, ou encore les licenciement d’une vingtaine de permanents, en cours. Plus la voiture blindée du Président en ce moment sur eBay…

Et puis, il y avait ces rumeurs, Marine ne viendra pas, elle est gênée, elle est fâchée, pas d’accord avec son père, sur les chambres à gaz, et l’histoire du « détail ». Quand elle essaye, depuis tant de temps maintenant, de « moderniser » le parti… Comme d’habitude, c’est la faute aux journalistes. Et les journalistes, ils sont nombreux, le coup communicationnel opéré par l’homme au menhir la semaine précédente a réussi, il a créé l’événement, re-qualifiant de « détail » de l’Histoire les chambres à gaz dans un entretien au magazine « Bretons ». Là où pour ces mêmes propos il avait déjà été condamné par la justice.

Tout du long, le petit comité de tête affiche un air de famille uni, la fille reste auprès de son père, tandis que M. Gollnish, son rival, est presque le seul à aller aux médias… Le mot d’ordre apparaître coudes serrés, confiants, minimiser les divergences. La critique du père par la fille, inquiète de la provocation, est mise de côté, comme les luttes de courants, sous prétexte que la liberté d’expression existe aussi dans la droite extrême.

C’est enfin l’heure du discours, avec Jeanne d’Arc qui s’arc-boute derrière le Président, et le vieux chef, qui finalement, est en forme. Le discours porte, vite enflammé, avec la sono qui brouille un peu l’écoute, à cause des rafales de vent. Du coup, de morose au début, ce 1er mai l’est moins en fin de parcours, parce que chacun a pu se rassurer en voyant le vieux chef au menhir bien en verve finalement, comme au premier jour. Tapant sur Sarkozy, son « double langage » et la faillite de sa politique, enflammé sur la Turquie et l’Europe, sur les fameux « clandestins » et la politique Hortefeux, ou encore sur le scandale de l’UIMM. Annonçant enfin, sûr de lui, le début de la prochaine « reconquête », dans la perspective des élections européennes, plus si lointaines.

Karine Yaniv

Caméra : Joseph Haley

Montage : Anthony Santhoro