Le PS veut bien donner un coup de main sur la révision constitutionnelle des institutions désirée par le Président de la République et actuellement en chantier, à « condition » qu’on leur offre la réforme du mode de scrutin du Sénat qui leur semble nécessaire. Robert Badinter et Jean-Pierre Bel, Président du groupe socialiste au Sénat nous l’expliquent et abattent les cartes.

Ils rechignent à le dire comme ça, mais ils posent une condition. Sinon, rien. « On ne veut pas instrumentaliser la réforme mais on ne veut pas d’un marché de dupe » affirme ce mercredi 16 avril 2008 le Président du groupe socialiste au Sénat, le sénateur de l’Ariège, Jean-Pierre Bel.

la réforme des institutions, on en parle depuis un moment

Il n’y aura pas de référendum nous a t-on immédiatement dit.

Mais le comité Balladur a planché cet hiver, Jack Lang était de la partie, et l’avant-projet de texte est prêt. Un Congrès est dorénavant envisagé, le 7 juillet à Versailles. Le Parlement (sénateurs + députés) y serait réuni pour adopter le projet de loi constitutionnelle réformant les institutions. Pour une révision importante ! Une modernisation et une démocratisation des institutions de la 5ème République, nous dit-on.

pour être adoptée, la révision de la Consitution devra être aprouvée par les 3/5ème des députés et sénateurs réunis

Le gouvernement a donc besoin qu’un consensus se dégage, et il a besoin des socialistes. Mais en l’état, ceux-ci rejettent le projet. Ce mercredi 16 avril marque donc l’heure du début d’une partie d’échecs.

l’offensive part ici du Sénat, les socialistes abattent leurs cartes

Réformer le Sénat, pour Jean-Pierre Bel comme pour ses confrères réunis ici, est une exigence démocratique. Ils citent Jean Jaurès : « Il y a un intérêt capital à ce que le Sénat soit en harmonie avec la démocratie » (1903).

Surtout, la situation a changé depuis les municipales et les cantonales : depuis le 16 mars 2008, ils estiment que la gauche est majoritaire dans toutes les collectivités territoriales. Et donc, pour eux l’équation est simple, le PS devrait pouvoir prendre le Sénat. Or d’après les projections de tous, malgré ce le mode de scrutin actuel ne permettra ni en septembre 2008 ni en 2011 Pourquoi ? Parce que les sénateurs sont élus par un collège de grands électeurs (composé de conseillers généraux, régionaux et municipaux…) – collège électoral du Sénat qui sur-représente les communes les moins peuplées, et qui, nous disent-ils, est donc aujourd’hui obsolète, dans un monde qui a changé, est devenu plus urbain.

C’est pourquoi ils demandent une réforme du mode de scrutin. C’est-à-dire qu’en gros, ils veulent pouvoir « prendre » le Sénat ». Car « le gouvernement ne peut quand même pas réformer les institutions contre la gauche! »

la réforme du mode de scrutin au Sénat, condition d’entrée dans le débat

Le projet de loi, tel qu’actuellement rédigé, propose un certain nombre de réformes et répond, lit-on sur le site du gouvernement, « à la volonté de bâtir une démocratie plus équilibrée, garantissant des droits nouveaux aux citoyens, sans que soient remis en cause les traits essentiels de la Vème République. Il vise, d’abord et principalement, à accorder des prérogatives nouvelles au Parlement, en renforçant sa capacité d’initiative ».

« On ne démocratise pas une assemblée politique en modernisant son mode de fonctionnement et le travail parlementaire. On la démocratise en changeant son mode d’élection, de telle façon que l’alternance soit possible » entend-on ce jour du côté des sénateurs socialistes.

De sorte que le message du PS semble clair : si des garanties étaient reçues de ce que les règles de l’élection des sénateurs pourraient être revisitées, la discussion entre majorité et opposition pourrait… commencer.

Y compris sur les autres points qui déjà posent souci aux socialistes, comme la levée de l’interdiction pour le chef de l’Etat de s’exprimer devant le Parlement, l’absence de nouvelles règles du pluralisme dans l’audiovisuel, ou de mesures concernant le droit de vote des étrangers en situation régulière aux élections locales…

le Sénat doit se réformer… ou mourir ?

Un Sénat un peu plus représentatif des élus locaux, voire à gauche, pourquoi pas… ? Jean-Pierre Bel confie ici que, même à droite, tous ne seraient pas réticents à permettre ce type de changements, d’autant que la question qui se profile derrière, sur fond de surendettement de l’Etat, est aussi celle de la nécessité réelle de pérénniser pour longtemps encore l’existence cette deuxième chambre, le Sénat.

La question de la suppression du Sénat, assemblée dont les élus ne sont pas issus du suffrage universel direct n’a pas été inscrite dans le rapport Attali, mais elle est bel et bien là, dans l’air…

Karine Yaniv

Caméraman : Matthieu Martin

Montage : Anthony Santoro

Pour plus d’informations, signalons par exemple la sortie de « Projets de réformes institutionneles » un numéro de « Regards sur l’actualité », aux éditions de La Documentation Française, sur la révision prévue cette année, qui devrait être la plus importante de toutes les révisions constitutionnelles effectuées depuis 1958.