Après la rupture, lundi, par l’Equateur de ses relations diplomatiques avec la Colombie, et la fermeture, mardi, de la frontière colombiano-vénézuelienne, le président colombien Uribe annonce qu’il va poursuivre son homologue vénézuélien devant la Cour pénale internationale pour financement de génocide. Point culminant d’une crise diplomatique qui dure maintenant depuis 4 jours.

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Le numéro deux des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), Raul Reyes, a été tué par l’armée colombienne en territoire équatorien dans la nuit de vendredi à samedi. Avec le corps de Reyes, l’armée met la main sur deux ordinateurs et des documents. La révélation des documents fait l’effet d’une bombe.

L’Equateur et le Vénezuela seraient en lien étroit avec les Farc

La police colombienne accuse Hugo Chavez, le président du Vénézuela, d’avoir remis à la guérilla la somme de 300 millions de dollars (200 millions d’euros). Autre lien financier, un mot a été retrouvé sur le corps de Raul Reyes, prouvant que la guérilla aurait transmis 100 millions d’euros à Chavez lorsqu’il était emprisonné pour tentative de coup d’Etat en 1992, avant son élection.
Autre révélation : des documents font état de plusieurs conversations entre Hugo Chavez et Manuel Marulanda, chef des Farc. Marulanda se déclare ainsi prêt à apporter son aide au Vénézuela en cas d’agression des Etats-Unis. Pour la police, cela « met en évidence une alliance d’armes entre les Farc et le gouvernement de Caracas » (lefigaro.fr, 03-03-08).
Le vice-président vénézuélien, Ramon Carrizalez a immédiatement démenti : « Nous sommes habitués aux mensonges de Bogota ».

Chavez n’est pas le seul accusé dans l’affaire. Raul Reyes aurait été en contact avec le ministre équatorien de la défense, Gustavo Larrea. En échange de la mutation des militaires et policiers hostiles à la guérilla, Larrea aurait demandé aux Farc « un geste qui puisse donner de l’impulsion à ses démarches en faveur de l’accord humanitaire, comme par exemple la libération du fils du professeur Moncayo, qui serait remis à Raphael Correa » (lemonde.fr, 03-03-08). Tout ceci également démenti par Quito.

Une crise diplomatique en Amérique Latine

Les liens sont extrêmement tendus entre la Colombie, le Vénézuéla et l’Equateur depuis la mort de Raul Reyes.
Le ministre de la Défense, Juan Manuel Santos, a indiqué samedi 1er mars que l’armée colombienne avait attaqué un camp de guérillos sur le territoire de l’Equateur. L’opération a commencé par un bombardement aérien, puis a été suivie d’une attaque terrestre, qui ont fait 17 morts dont le numéro deux des Farc.

Les réactions sont immédiates : pour protester contre « l’agression », le Président de l’Equateur décide « d’expulser sans délai l’ambassadeur de Colombie en Equateur » et rappel son ambassadeur à Bogota.
Quelques heures plus tard, le gouvernement de la Colombie présente ses excuses au gouvernement d’Equateur pour l’action qu’il s’est vu mener dans la zone frontalière. L’invocation de la légitime défense pour aplanir un peu les choses.

Un renforcement militaire en Equateur et au Vénézuela fait peser la menace d’un affrontement.
Hugo Chavez a annoncé l’envoi de dix bataillons vers la frontière. « Nous ne voulons pas la guerre mais nous ne permettront pas à l’empire nord-américain et à son petit chien, le Président Uribe, et à l’oligarchie colombienne, de venir nous diviser, de venir nous affaiblir. […] Cela pourrait bien être le début d’une guerre en Amérique du Sud, parce que si jamais vous pensez à faire quelque chose comme ça au Vénézuéla, je vous envoie mes avions de combat ».

Face au risque d’escalade, la France a appelé tous les acteurs à la retenue, tout comme le secrétaire de l’ONU, Ban Ki-moon.

Ingrid Betancourt aurait pu être libérée, une rencontre avec Sarkozy était en train d’être organisée

Autre aspect de la crise : le décès du numéro deux des Farc aurait empêché la libération d’Ingrid Betancourt et d’autres otages. Cette annonce intervient juste la libération de 4 otages.

Luis Eladio Perez, libéré le 27 février s’adresse au président colombien : « Si vous vous entêtez sur la nécessité d’insister sur des opérations militaires, monsieur le Président Uribe, vous allez recevoir 40 ou 50 cadavres de ces citoyen qui sont restés captifs, 9, 10, 8, 7 et dans la cas d’Ingrid, six ans ».

Raul Reyes, de son vrai nom Luis Edgar Devia, était le porte-parole de la guérilla et l’un des sept membres du « secrétariat », la direction des Farc. C’était lui qui était en relation avec la presse et l’étranger.
Le Président équatorien Rafael Correa a annoncé lundi que les conversations étaient assez avancées pour libérer en Equateur 11 otages, dont Ingrid Betancourt. Malheureusement, « tout a été compromis par des mains guerrières et autoritaires. Nous ne pouvons écarter que cela ait été une des motivations de l’incursion et de l’attaque de la part des ennemis de la paix » a annoncé le dirigeant(nouvelobs.com, 04-03-08).
Pour répondre aux accusations de Chavez, le ministre de l’intérieur équatorien a précisé que ces libération n’avait pas de contrepartie.

L’Elysée indique dans un communiqué que le décès de Raul Reyes « intervient à un moment crucial où tout devait être mis en oeuvre pour conforter la dynamique positive qui s’était amorcée avec la libération unilatérale de plusieurs otages ». Un communiqué de la guérilla colombienne va dans ce sens et affirme que le numéro deux des Farc tentait d’organiser une rencontre avec Nicolas Sarkozy au moment où il a été assassiné.

Aujourd’hui, l’espoir s’amenuise. Avec la mort de Reyes, c’est l’un des principaux contacts qui disparaît. Et suite à cet épisode, il est possible que les Farc durcissent encore le ton.

Claire Tarou, le 04/03/08.