La justice française a rendu son verdict : 8 ans de prison ferme pour les six membres de…

La justice française a rendu son verdict : 8 ans de prison ferme pour les six membres de l’Arche de Zoé. Leurs avocats ont fait appel, et s’en remettent désormais à Nicolas Sarkozy et à la grâce du président tchadien Idriss Déby, qui a d’autres chats à fouetter…

Lundi 28 janvier, la cour d’assise de Créteil rendait son verdict dans le second volet français du procès de l’Arche de Zoé. Il s’agissait pour les magistrats français d’adapter la peine de 8 ans de travaux forcés prononcée à Ndjamena au droit français, qui ne reconnaît pas le travail forcé. La peine requise par le procureur a été suivie : Ce sera 8 ans de prison ferme.

Au sortir de l’audience, la colère des familles explose. Cette rage est aussi partagée par les membres du COFOD, le Comité des Familles pour les Orphelins du Darfour, qui rassemble des proches des membres de l’Arche de Zoé et des familles censées accueillir des enfants après l’opération. Le hall du tribunal est rempli de ces modestes familles provinciales, certaines avec des jeunes enfants asiatiques dans des poussettes, qui pleurent, hurlent leur colère contre la justice. Pour eux la justice française s’est inclinée devant « l’injustice tchadienne », puisque le tribunal a maintenu la durée de 8 ans et la peine collective.

En réalité, nous explique Maitre Gilbert Collard, avocat de l’association, le tribunal, dont les prérogatives se limitaient à l’adaptation de la peine, ne pouvait casser le caractère collectif de la peine à moins d’annuler totalement le jugement. C’est pourtant ce que réclamait l’avocat, au motif que le Tchad n’avait pas respecté la Convention de Genève et bafoué les droits des accusés. Mais la cour a répondu que le Tchad n’étant pas signataire de la Convention, la justice française ne pouvait l’y contraindre. Me Collard s’emporte : « Alors il n’y a pas eu de génocide au Rwanda, puisque le pays n’est pas signataire de la Convention de Genève ! »

L’avocat des causes médiatiques désigne le responsable à ses yeux de la sévérité du jugement tchadien : Nicolas Sarkozy. Il estime ainsi qu’en allant libérer les journalistes, dont une impliquée dans l’opération, et en bafouant ainsi la justice tchadienne, il a forcé celle ci, sous la pression d’une opinion publique échauffée contre les français, à se montrer particulièrement sévère et intransigeante avec les 6 membres restés sur place. Il pointe du doigt les manquements du procès de Ndjamena : Pas d’accusateurs à la barre, des peines non différenciées, pas le droit de faire appel… « Maintenant, il s’agit de réparer ! »

L’avocat veut faire pression sur le président pour que celui-ci plaide la grâce des accusés auprès de son homologue tchadien Idriss Déby, seul désormais à pouvoir l’accorder. C’est dire s’il a encore espoir dans l’appel qui a été fait de la décision de Créteil.

Dans le hall, à l’écart du COFOD, une femme, seule, est désemparée. Souad Merimi est effondrée par la peine de 8 ans de prison prononcée à l’encontre de sa petite sœur Nadia. La jeune infirmière, trop faible, n’a pas assisté à l’audience. Elle est celle qui pâtit le plus du jugement de groupe de Ndjamena, qui n’a fait aucune distinction entre les accusés dans l’échelle des responsabilités. Sa sœur répète inlassablement que Nadia n’était partie qu’en qualité d’infirmière, bénévole, pour soigner les enfants durant leur séjour à Abéché. Sur les images rapportées par Marc Garmirian et Marie-Agnès Peleran – n’en déplaise à Me Collard, celles-ci constituent un témoignage inestimable, à défaut de preuves judiciaires – Nadia apparaît effectivement très mal à l’aise vis-à-vis du plan d’Eric Breteau. Elle dit ses doutes, et sa volonté de les faire taire en ne pensant qu’au bonheur des enfants. Elle est loin des décideurs, de ceux qui ont planifié l’opération. A la veille du départ programmé, elle dit, désabusée « vous allez vraiment le faire… » « Non Nadia », répond Breteau, « ON va vraiment le faire ! »

A la sortie du tribunal, alors que nous tentons de recueillir les impressions des membres du COFOD, nous sommes pris à partie. Le procès de l’Arche de Zoé vient de s’achever, mais celui de la presse commence. Au classique « Tous des pourris », s’ajoutent des accusations violentes : « C’est grâce à vous si ils ont pris 8 ans », « vous êtes manipulés par le gouvernement », « vous êtes tous responsables. »

Les caméramans de LCI et i télé sont également visés, mais une femme particulièrement véhémente s’en prend directement à La Télé Libre : « Je m’appelle pas Cécile Hervy moi ! Cassez vous vous avez rien à faire ici ! »

Alors que l’affaire venait d’éclater, nous avions en effet donné la parole aux Hervy, un couple à qui l’Arche de Zoé avaient promis une adoption en échange de plusieurs milliers d’euros, et qui disait son intention de se retourner contre Eric Breteau. Après le reportage, ils avaient participé à un forum sur notre site pour répondre aux questions des internautes, pendant lequel ils avaient été insultés et leur pseudos utilisés par des pro-Arche de Zoé.

Si leur colère est compréhensible devant la longueur de la peine, les membres du COFOD frappent par leur refus d’accepter toute remise en cause du projet de l’Arche de Zoé. Sur la pelouse devant le tribunal, ils ont accroché des affiches. « Liberté pour les humanitaires », « Arche de Zoé, des héros au grand cœur ». Ces familles, dont beaucoup devaient accueillir les « orphelins du Darfour », ne veulent rien entendre. Eric Breteau et Emilie Lelouch sont des héros et tout ce qui a été dit dans les médias est faux. Les témoignages des familles qui disent avoir confié leurs enfants à l’association parce qu’on leur avait dit qu’ils iraient dans une école à Abéché ? Un mensonge. Les images accablantes rapportées par les journalistes ? Un mensonge, des reportages truqués. Tous sont persuadés être victimes d’un procès politique. Il est certain que le jugement de Ndjamena n’aide pas à calmer leurs fantasmes.

Joseph hirsch

Image: Morgann Martin
Montage: Mylène A