La « journée européenne contre l’enfermement des sans-papiers dans les centre de rétention » a rassemblé au Bois de Vincennes à Paris plusieurs milliers de personnes. Direction du cortège : le CRA (centre de rétention administrative) de Paris-Vincennes (280 « enfermés »), où des affrontements avec les forces de l’ordre éclatent, abrégeant le rassemblement.

Les rangs paraissent comme grossir de mois en mois.
Ils sont nombreux, plusieurs milliers, à l’appel d’associations (RESF, FCPE, GISTI LDH, ect), de syndicats et d’élus de gauche et verts, ce samedi d’hiver parisien, 19 janvier 2008, à venir manifester et demander la fermeture de ces centres de rétention « en train de connaître un processus d’industrialisation », et l’arrêt de la politique chiffrée d’expulsion des sans-papiers. Politique qui, depuis quelques temps déjà, on le sait, exacerbe la colère de tout un ensemble de citoyens de conviction.

Mais aujourd’hui, c’est un peu plus. Il y a ce projet de directive européenne, appelée « directive de la honte » par ses opposants qui inquiète fort, voire scandalise. Elle devait être mise au vote fin 2007, celui-ci a finalement été repoussé à juin 2008. Nos eurodéputés devront trancher. Objectif : « harmoniser » la réglementation portant sur les pratiques de détention et d’expulsion des étrangers au sein de l’UE. Concrètement : elle instaure une durée de rétention pouvant aller jusqu’à 18 mois (la durée maximale en France est actuellement de 32 jours), comme une interdiction pour 5 ans de revenir en Europe pour toutes les personnes renvoyées. De sorte que, le spectre, pour ces marcheurs, c’est l’idée d’avoir à regarder l’Europe comme un espace barbelé, avec des camps un peu partout où sont enfermés les migrants. Pour eux, on dirait que ce sont les valeurs mêmes de l’Europe humaniste qui sont en jeu.

Le cortège marche lentement mais de plus en plus fermement au travers des pins et entre les étangs du Bois. Peut-être faut-il compter avec l’effet des émeutes de la Saint Sylvestre, à Paris-Vincennes, mais aussi au CRA du Mesnil-Amelot, fortement médiatisées, qui ont pu continuer de frapper les esprits. Les sans-papiers eux-mêmes se montrent, en nombre.

Concernant cette directive, un « appel aux parlementaires de Bruxelles » en forme de pétition circule depuis le 7 novembre 2007, lançé par la Cimade (association œcuménique seule en France à être habilitée à tenir des permanences dans les centres de rétention) et ses partenaires européens. Il cimente la mobilisation. « No to the outrageous directive », disent-ils en anglais. Ou « No a la directiva de la verguenza » en espagnol. Il faut dire qu’en Grande Bretagne et en Suède la durée de rétention peut être illimitée. Qu’en Italie, en Espagne, en Grèce, à Chypre, à Malte, les conditions de détention sont dénoncées de manière régulière par les organisations internationales et les ONG.
Alors, pour Laurent Giannonni, de la Cimade, « Les parlementaires européens ont aujourd’hui une responsabilité historique : réagir pour ne pas laisser retomber l’Europe dans les heures sombres de la ségrégation entre nationaux et indésirables par la systématisation des camps et de l’éloignement forcé ».
Contrairement aux partisans du compromis prêt à voter pour, parce que la directive permettrait de réglementer un actuel flou, les signataires de l’appel « non à la directive de la honte » estiment que le texte n’apporte pas assez d’avancées pour leur permettre de l’accepter. 18 mois est « une norme absolument inacceptable » estime la CEC, conférence des églises européennes. Les marcheurs refusent qu’on se mette à réformer tout le temps en ce moment dans un sens à chaque fois plus restrictif le droit des étrangers.Pour eux, l’objectif d’harmonisation consiste ici à seulement tirer le tout vers le bas. Et puis ce projet de directive stigmatise les sans-papiers en les transformant en délinquants à exclure.

La marche vers le centre de rétention dit de « Vincennes » se fait plus inquiète à mesure que l’on se sent approcher du CRA. La présence policière au travers de bois se fait de plus en plus visible. Et puis, dès l’arrivée, c’est la colère, les premiers manifestants comme aimantés convergent au plus prêt. Les forces de l’ordre sont là, bien en rangs. Les incidents éclatent alors assez rapidement.
D’après AFP et Reuters :
« Les gendarmes mobiles ont fait usage de gaz lacrymogènes lorsque des manifestants ont voulu déplacer des barrières disposées pour empêcher le cortège de s’approcher du lieu. Quelques jets de pierre ont fusé en direction des CRS, qui ont alors brièvement chargé pour repousser la foule. »
Assez rapidement, c’est le reflux vers l’Hippodrome, en vis à vis du centre, séparé de lui par un espace de quelques 300 mètres. Puis, devant la pluie incessante de gaz lacrymogènes, le rassemblement se disperse.

Dans de multiples autres villes de jour-là, des milliers de manifestants ont défilé pour dénoncer la rétention des sans-papiers.

Karine Yaniv