PLAN MARSHALL Fadela l’a promis, il y aura un tram pour Clichy-Montfermeil. Il était temps! Des années que…

PLAN MARSHALL

Fadela l’a promis, il y aura un tram pour Clichy-Montfermeil. Il était temps! Des années que ces deux villes réclament leur désenclavement. Lors de cette visite, quelque fois mouvementée, s’affirme le style Fadela: courage, tchache, gros mots, détermination, et… point d’interrogation pour l’efficacité de son action. Récit d’une visite dans le 9-3.

Le rendez vous avait été fixé sur le quai du RER E, gare Saint-Lazare. Fadela Amara emmène Roger Karoutchi et les journalistes en transports en commun à la « téci ».
Dans le cadre de la gestation de son « plan Marshall des banlieues » annoncé pour le tout début 2008, la secrétaire d’Etat à la politique de la ville est sur le terrain. Ce vendredi soir 9 novembre, elle doit participer à une des nombreuses « rencontres territoriales » organisée cette fois à l’Espace 93, Clichy sous-bois. Mais avant le débat avec les habitants réunis en amphi, direction les Bosquets, Montfermeil (ville limitrophe de Clichy).
Le déplacement comporte une forte dose de symbole, puisque c’est à Clichy sous bois qu’en Novembre 2005, avec le décès de Zyed et Bouna poursuivis par la police, que les émeutes avaient commencé à se déclencher.

Sur le quai, une vingtaine de journalistes attendent les secrétaires d’Etats, retenus à l’Elysée. Dans le RER, qui s’immobilise un moment, les conditions de travail sont difficiles. Les perches cognent au plafond. Le rire bon enfant de Roger Karoutchi, secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement, emplit par accès le wagon. Pourquoi convoquer la presse dans les transports en commun, c’est pour montrer que vous êtes proches des gens ? demande un journaliste, qui se fait remettre en place : « c’est votre question qui n’est pas originale ». Un collègue dans la foulée nous confie son malaise : chaque jour, c’est pareil, on nous vend de la com, et, après, on passe tous les mêmes images. A la gare du Raincy, nous attendent, outre des fonctionnaires de police, Claude Dillain (PS) et Xavier Lemoine (UMP), les maires de Clichy sous bois et de Montfermeil, Eric Raoult (UMP), maire du Raincy et vice-président de l’Assemblée Nationale, le préfet du département et la préfète déléguée à l’égalité des chances. Une belle affiche d’appareil décisionnaire au complet, une belle affiche d’ouverture. Le but : parler de l’engagement de l’Etat dans le projet (bloqué depuis un moment) de prolongement du tram-train censé desservir et désenclaver les 2 villes. Les maires Dillain et Lemoine offrent à Mme Amara un t-shirt, le slogan est clair : « vite un tram ». La secrétaire d’Etat à la politique de la ville reconnaît que, sans désenclavement, la rénovation urbaine des deux villes, ne servira à rien. Ode au dépassement des étiquettes politiques. Mme Amara insiste et insinue : il faut « qu’on arrête les égoïsmes territoriaux », sans détails.

Montée dans le bus 602 de tout ce beau monde. Direction Montfermeil, 30 minutes de trajet.
Les personnalités, entourées de leur armada de journalistes, d’attachés de presse et de policiers en civil arrivent aux Bosquets, au pas de charge. La cité se montre étonnamment tranquille, face à la tornade. Certains caméramans courent. C’est une fin d’après-midi d’hiver, la lumière est très belle – sur ces lieux, territoires « oubliés de la République ». Les enfants qui sortent de l’école, ahuris, et à la fois indifférents, demandent ce qui se passe. C’est Sarko, qui est là ? Les papas, réunis dans le local associatif du rez-de-chaussée attendent autour d’une table. On parle ascenseurs. Ils reconnaissent la responsabilité des habitants, mais se plaignent des délais de prise en charge des travaux de réparation. Xavier Lemoine reconnaît qu’il est difficile de trouver des prestataires volontaires pour ces contrats d’entretien-là. Mme Amara rit avec les papas du quartier en les rassurant, avec détermination : «l’Etat, est là !» «l’Etat, c’est moi !». Ce faisant, Amhad Ly, l’un des fondateurs d’« Au-delà des mots », collectif créé ici en mémoire de Zyed et Bouna, vient au contact. Mettant en question la sincérité de sa venue ou de sa démarche.

Dehors, tandis que les ministres montent en visite guidée au 6ème sans ascenseur (il est cassé) pour voir « ce que ça fait » et rencontrer à huis clos les mamans, nous interrogeons les rares habitants attroupés. Le collectif « AC le feu » est là, mais aussi d’autres jeunes. Malgré la tension, palpable, l’atmosphère reste bon enfant, Eric Raoult est rompu au dialogue. Les policiers en civil restent ‘discrets’. Les jeunes sont remontés, choqués par ce qu’ils appellent « la visite du zoo », ce genre d’opération toute médiatique, le défilé des personnalités venues promettre, encore et encore, devant les caméras. Le souvenir des promesses de Bernard Tapie, ex-Zorro des banlieues des années 92-93 est toujours là. Malgré ce, les journalistes font leur boulot. Mr Karoutchi, homme des Hauts de Seine, proche du Président, au passage, en prend pour son grade, parce qu’il vient ici se montrer, « faire la parade », « parce qu’il vise le conseil régional de Huchon », nous rappellent ces jeunes, à l’élection régionale de 2010 en Ile-de-France. Xavier Lemoine, le maire, « qui ne vient jamais » lui, c’est encore autre chose, la haine est rentrée, on n’a toujours pas digéré certains de ses propos passés, ou ses mesures temporaires d’avril 2006 : interdiction à tous les mineurs de 15 à 18 ans, de «circuler à plus de trois» dans une partie du centre-ville de Montfermeil, de jour comme de nuit, et interdiction aux mineurs de moins de 16 ans de « circuler librement » sans être accompagné d’un majeur dans le centre, de 20 heures à 5 heures du matin.
Mme Amara réussira t-elle son coup ? La visite se termine à l’escalier B12, le plus trash, il est temps, la nuit tombe, les tensions s’attisent.

Une charte «pour l’amélioration du traitement médiatique des banlieues» a, il est vrai, été présentée mercredi 7 à l’Assemblée nationale sous le patronage de Noël Mamère, député vert de la Gironde. Qui appelle à résister « à la dérive médiatique très dangereuse de l’émotion, de l’immédiateté » telle que l’incarne la couverture médiatique « des faits et gestes de Nicolas Sarkozy ». En attendant, les caméras en cohorte autour de ministres en posture d’annonce à la « téci », lieu de confinement social, ça reste encore et toujours un peu surréel…

Karine Yaniv, Joseph Haley, Anthony Santoro