La vidéo « Arsenic, un antidote contre le racisme » a lancé un débat qui vous a interpellés,…

La vidéo « Arsenic, un antidote contre le racisme » a lancé un débat qui vous a interpellés, provoqués, concernés, énervés, scandalisés…

Passés les messages d’insultes, les provocations gratuites et les métaphores animales et scatologiques, des messages intéressants et importants ont surgi.

Marie Drollon, journaliste stagiaire à LaTéléLibre, a tenté de faire une synthèse des plus de 630 commentaires postés à ce jour sur la vidéo (lire ci-dessous). Elle a aussi rencontré (voir ci-dessus) Catherine de Wenden, une chercheuse, spécialisée dans l’histoire des migrations, car aujourd’hui, le thème du racisme est intimement lié à celui de l’immigration.

Si à LaTéléLibre, nous sommes résolument opposés à toute forme de xénophobie, nous pensons qu’il ne faut pas fermer le débat à ceux qui ne pensent pas comme nous. Les idées racistes sont dangereuses, il faut les combattre, mais pas par l’ignorance ou le mépris.

Pour séduire et récupérer les voix de l’extrême droite, Nicolas Sarkozy a, par le choix des thèmes de campagne et certains mots utilisés, « libéré » une parole jusque là cantonnée à l’extrême droite mais aussi lors de quelques réunions de famille… C’est sa responsabilité, mais la réalité est là : à cause de la « racaille » qu’il prétendait « nettoyer au Karcher », et d’un ministère mélangeant « l’immigration » et « l’identité nationale », les racistes de tout poil s’expriment, le plus souvent sous un pseudonyme, mais ils se lâchent.. Nous ne pensons pas que notre nouveau Président de la République soit raciste, aucun de ses actes politiques ne va dans ce sens, mais sa volonté d’être élu l’a conduit à ouvrir la boite de pandore. Celui qui a toujours dit vouloir briser les tabous, a « réussi » son coup. Les instincts primitifs qui sommeillent en chacun de nous s’expriment au grand jour, et peuvent apparaître à certains comme la solution à leur problèmes. Dans les années 40, le peuple français, encouragé par ses politiques, a écrit les pires pages de son histoire.
Ne fermons pas les yeux, la politique de l’autruche n’a jamais été efficace, nous pensons qu’elle est même contre-productive, dans la mesure où elle développe la notion de bons et de méchants, et fractionne encore un peu plus notre société. Nous avons tous, à un moment donné ressenti des pulsions animales qui nous ont, fusse l’espace d’un instant, poussé vers des sentiments dont nous ne sommes pas fier.
Comme disait Coluche, « je suis raciste, mais je me soigne ». Le débat et la démocratie sont les meilleurs remèdes contre notre connerie.

John Paul Lepers

COURAGEUSE TENTATIVE DE SYNTHÈSE DES DÉBATS…

Tout d’abord il paraît clair que personne n’a réussi à convaincre personne. Etait-ce d’ailleurs le but ? Deux camps se sont affrontés : les «racistes» contre les «antiracistes». Les deux termes sont importants. Dans le post numéro 7, «Super Raciste» demande une définition du racisme. Petite remarque : avec un tel pseudo, on aurait bien aimé avoir la sienne…

Au post 22 «Bourreau fais ton boulot» tente une réponse : «J’avancerais que le racisme est une pulsion animale de peur et donc d’agressivité face à l’inconnu, au pas pareil, que tout un chacun peut, a ou ressentira une ou plusieurs fois dans sa vie». Est-ce que ça signifie qu’a priori tout le monde est raciste ? Est-ce que même les plus farouchement «anti-racistes» ont déjà ressenti ce sentiment de peur ? Une fille blanche seule dans le métro la nuit se méfie peut-être plus facilement d’un homme, noir ou arabe, que d’un autre blanc. Est-ce qu’elle avouera facilement cette peur de l’autre, de l’inconnu, du «mal-connu» ? Je ne sais pas mais moi, ça m’est déjà arrivé.

Selon la définition du Larousse, «le racisme est une idéologie fondée sur la croyance qu’il existe une hiérarchie entre les groupes humaines». La question de l’existence des «races» ne nous a pas paru pertinente ici, ne fermons pas la discussion. Le débat, c’est toujours celui de l’égalité des peuples, des ethnies. Que les races existent ou pas, les Noirs, les Arabes, les Blancs existent, et c’est bien de la relation entre eux dont il est question ici.

A la lumière de cette définition, une question me vient à l’esprit : est-ce que, parce que j’ai peur d’un arabe ou d’un noir dans le métro la nuit, cela veut obligatoirement dire que je pense que les êtres humains ne sont pas égaux ? Pas dans mon cas.

Avoir peur et ne pas aimer ou les penser inférieurs, ce n’est pas la même chose.

Les antiracistes sont-ils simplement des gens qui ne sont pas racistes ? Ceux qui ont réussi à taire leurs peurs et leurs instincts de méfiance vis-à-vis de ce qui est différent ? Dans cet échange de commentaires, le reproche fait aux antiracistes, c’est de suivre le «discours officiel», de «se donner bonne conscience», d’être de «gauche» et «Bobo». Si le racisme est une idéologie (celle de penser que les races ne se valent pas toutes), l’antiracisme, c’est l’idéologie inverse : croire que tous les peuples se valent. C’est également un terme qui inclut des notions de valeurs, accueil de l’étranger, solidarité. Pour les «racistes», ces valeurs ne constituent pas un argumentaire. Autre reproche fait aux «antiracistes» : ils ne s’attaqueraient qu’aux racistes blancs, estimant que des Noirs, des Arabes, des Japonais ne peuvent pas être racistes. Pas de polémique, mais partout dans le monde, le racisme existe, que ce soit un racisme japonais envers les Coréens et les Chinois, ou en Afrique entre les arabes et les noirs, voir la situation au Darfour…

Le concept «Gaulois (blanc)» : Il apparaît dans le post numéro 7 de Super Raciste. Très nettement, cette expression est proche de celle «Français de souche». Elle représente donc des Français de couleur blanche. Est-ce qu’un descendant de Polonais naturalisé Français, est gaulois (blanc) ?

«Dans quelques générations, et à ce rythme là, les Gaulois (les Blancs) seront minoritaires à Paris.» (Toujours dans le commentaire numéro 7). Ou plus loin : «Phénomène de substitution des Gaulois par les allogènes». (Numéro 134). Ne pas confondre : raciste, patriotique ou nationaliste, partisan de la fermeture des frontières et xénophobe.

Xénophobie, plus que racisme : le forum a vite tourné vers un débat sur l’immigration. Les «anti-immigration» avancent cet argument que les immigrés européens se seraient mieux intégrés et fondus à la population française ; alors que les immigrés «extra-européens» (Maghrébins, Africains, Asiatiques) ne pourraient pas, en vertu de leur culture, s’intégrer. L’idée est très présente également, selon laquelle ces nouveaux immigrés, ne voudraient pas d’intégrer.

Les «antiracistes» répondent, comme dans le commentaire numéro 18 : «Tu te sens isolé, toi, Français de souche ? Tu te sens oppressé ? Ceux qui ne sont pas comme toi sont méchants ? Sont menaçants ? Ils te piquent ton emploi ?».

En réponse à ces échanges, quelques précisions historiques. Oui, l’immigration italienne, espagnole, portugaise, belge et polonaise, s’est intégrée à la population française. Mais quand ces immigrés pauvres sont arrivés en France à la fin du XIXème siècle et au début du XXème, ça ne s’est pas toujours bien passé. Reproches : Ils ne mangent pas la même chose, ils restent entre eux, ils vont trop à la messe. Et quand la crise économique a touché la France, les Français ont été extrêmement violents, notamment dans le Sud de la France, envers les Italiens. Ratonnades organisées, manifestations de rejets xénophobes…

Dans ces échanges, les arguments sont de l’ordre du ressenti : les « racistes » se sentent envahis, les «antiracistes», non. Et chacun reproche à l’autre de ne pas avoir d’arguments. On sait que le nombre d’immigrés est stable depuis 25 ans. Beaucoup, trop, suffisamment d’immigrés ? Et les immigrés sans papiers ? Combien sont-ils ? Est-ce que l’immigration fait baisser les salaires ? Est-ce qu’elle fait augmenter le chômage ? Le nombre d’étrangers est stable parce que le nombre d’arrivées est compensé par les naturalisations. Deux inconnues : les clandestins et les retours au pays qui sont difficilement calculables.

Commentaire 10 : «dans dix ans, le nettoyage ethnique battra son plein». On a utilisé cette expression pendant le génocide au Rwanda, quand des Hutus ont massacré à coups de machettes des Tutsis. Nettoyage ethnique également en ex-Yougoslavie quand des milliers de Bosniaques ont été tués. L’opinion n’empêche pas la mesure. Ce n’est pas parce qu’il y aurait beaucoup d’immigrés qu’on peut de permettre de dénaturer certaines expressions.

Le racisme est un débat compliqué ; plusieurs commentaires ont démontré la réticences de certains à «parler avec des racistes». Clore le débat, les retrancher dans leur camp, c’est ce qui a été fait pendant longtemps. En face, le camp des «racistes» se cache moins qu’avant. Malgré les provocations, il y avait de leur part une demande de dialogue et d’écoute. Définir ce débat uniquement comme celui des bons contre les méchants, de la gauche contre la droite, des Bobos contre les Sarko, comme certains l’ont fait, c’est réducteur et ça interdit la réflexion et le débat.

Marie Drollon