Dès le premier tour de l’élection présidentielle, de nombreux citoyens –ils seront un million et demi-, ne se…

Dès le premier tour de l’élection présidentielle, de nombreux citoyens –ils seront un million et demi-, ne se rendront plus aux urnes…mais à l’automate. En effet pour voter, une cinquantaine de villes en France se sont équipées de ces fameuses machines à voter électroniques, ce qui fait près de 1600 bureaux de vote. L’installation d’une machine à voter coûte 5 500 euros à la commune, soit environ 5,5 euros par électeur. Précisons également que depuis 1969, le code électoral stipule que l’on peut voter de manière électronique.

Mais plus le premier tour approche, plus la polémique enfle autour de ces machines. D’aucuns déplorent l’abandon du vote papier, symbole très fort du rendez-vous républicain. Mais plus grave encore, certains redoutent une situation « à l’américaine », et des résultats contestés.
La fiabilité des machines est en effet mise en doute. Bien que n’étant pas reliées à un réseau informatique quelconque, il peut être possible de frauder en les modifiant « physiquement », en changeant une puce qui gère tout le système. Pour y parer, les fabriquants ont apposés des scellés sur les machines.
Et en cas de panne ou de coupure d’électricité ? Les fournisseurs y ont pensé, en vendant avec la machine, une batterie qui garantit l’autonomie de la machine (sans branchement sur secteur) de 8h à 20h, soit toute une journée de scrutin.

Mais les détracteurs ne considèrent pas qu’il y ait suffisamment de sécurités. Pour eux, il n’y a aucune vérification, quelle qu’elle soit, que le vote ait bien été pris en compte. Pas de ticket, par exemple, qui validerait le vote de chacun.
L’association Ordinateursdevote.org, qui réunit des informaticiens et des chercheurs, milite depuis deux ans auprès des mairies et des citoyens pour les sensibiliser au problème. Leur pétition a récolté près de 57 000 signatures en 6 semaines, dont celles de nombreux candidats à l’élection présidentielle.
« Sans être paranoïaques et imaginer une fraude faite par tel ou tel parti, il faut considérer que toute machine est piratable, statistiquement, et que le risque est loin d’être nul », ont-ils déclaré lors d’une conférence de presse à Paris vendredi 13 avril.

Du côté des partis justement, la plupart d’entre eux se sont déclarés opposés à l’usage des machines de vote. Le Parti Socialiste et les Verts demandent un moratoire sur la question. Le PC, l’UDF, le Front National, et de nombreux députés de l’UMP, souhaiteraient clairement interdire l’usage des machines.

Certains élus ont fait machine arrière, et ont préféré revenir à l’usage du vote papier dans leur mairie. C’est le cas à Grenoble, à Cannes, ainsi que dans de nombreuses villes des Hauts-de-Seine.
Les opposants, et notamment l’association OrdinateursdeVote.org, évoquent également un autre danger, qui pourrait passer inaperçu auprès des mairies : que les machines livrées ne soient pas conformes, ou ne correspondent pas à celles essayées et commandées. On recommande dès lors aux citoyens, de se renseigner auprès des mairies, à l’aide du cahier des charges des machines conformes, mis en ligne sur le site www.ordinateursdevote.org.

Suite à cette mise en garde, certains électeurs de la ville d’Issy les Moulineaux (où l’on ne pourra voter qu’avec des machines), ont déposé mardi 17 avril une plainte commune au tribunal administratif de Versailles. Ils ont rendu leur action publique sur le site Betapolitique.fr.
Réponse du juge jeudi 19 avril: certes, les machines à voter ne satisfont peut-être pas aux exigences du Code électoral. Mais ce problème ne constituerait pas une atteinte au droit de vote.
En effet, le tribunal conclu ainsi :
« Considérant que M. [NOM DU PLAIGNANT] soutient que les machines à voter qui seront utilisées par les électeurs de la commune d´Issy-les-Moulineaux ne satisfont pas aux dispositions précités de l´article L57-1 du code électoral ; qu´à la supposer établie, une telle circonstance ne permet pas, à elle seule, de caractériser une atteinte grave à la liberté fondamentale que constitue l´exercice du droit de suffrage ; qu´il suit de là que la requête de [NOM DU PLAIGNANT] ne peut qu´être rejetée. »
Pour Nicolas Barcet, l´un des citoyens ayant agi au Tribunal Administratif, « il est scandaleux que l´utilisation de machines non-conformes pendant une élection présidentielle ne soit pas une atteinte au droit de vote ». Les plaignants réfléchissent à l´heure actuelle sur l´opportunité d´introduire une requête en cassation auprès du Conseil d´Etat tel que cela est leur droit…
Reportage d’Emmanuelle Carre, Nicolas Condom, Ludovic Tourte et Bruno Martin.