Est-ce parce que François Bayrou est agrégé de lettres classiques que chaque groupe de hauts fonctionnaires qui intervient publiquement dans une tribune à son sujet choisit un pseudonyme antique ? On peut se poser sérieusement la question. Cette semaine encore, un groupe de personnalités issues de la deuxième gauche s’est rallié à François Bayrou sous le pseudonyme des Gracques. Nous avons donc décidé de vous donner un petit cours d’histoire antique pour vous présenter les trois figures qui font la une de l’activité politique.

Les premiers historiquement et chronologiquement, dans cette campagne, à être intervenus, sont les fonctionnaires de Bercy sous le nom de Spartacus. Spartacus est un esclave, gladiateur d’origine thrace, qui a dirigé la « troisième guerre servile » entre -73 et -71. Gladiateur à l’école de gladiateurs de Capoue. Ancien soldat, sans doute déserteur vendu ensuite comme esclave, il a convaincu une partie de ses camarades de se révolter pour recouvrer la liberté. Très rapidement, il  a pris la tête d’une armée de 70 000 hommes, puis de 120 000, réussissant à joindre à sa cause même des hommes libres. Il n’hésite pas à immoler 300 prisonniers romains avant de prendre la route de Rome, détruisant tout sur son passage et ne faisant pas de prisonniers. Renonçant à prendre la capitale car ses hommes n’étaient pas des vrais militaires mais des esclaves et des bandits recrutés,  il continue la lutte pendant trois ans avant d’être vaincu par les légions de Crassus, seule personne volontaire pour l’affronter. Le corps de Spartacus ne fut jamais retrouvé. Traumatisés par cet événement, les Romains ont décidé de traiter le problème, une fois les troupes ennemies vaincues, par l’exemple : 6000 prisonniers de ses troupes furent crucifiés le long de la Via Appia, entre Capoue et Rome.

Le second personnage historique intervenu durant cette campagne électorale française est Hannibal (-247 ; -183 ) : chef carthaginois, fils de Hamilcar Barca qui avait perdu la première guerre punique opposant Carthage à Rome, il a mis en échec les troupes romaines durant la seconde guerre punique. Il est passé par l’Espagne dont son père avait conquis une partie, puis par la Gaule avant de traverser les Alpes avec des éléphants (d’où le pseudonyme d’Hannibal : on peut réussir à gagner une guerre avec des éléphants). Il a accumulé victoire sur victoire avant de se replier en Campanie, le Midi italien, au lieu de profiter de cet élan pour prendre Rome. Se laissant bercer par la douceur du climat, il s’est fait battre par les armées romaines menées par Scipion l’Africain qui avait « temporisé » en laissant le général carthaginois s’oublier dans le confort de la région de Naples  D’où son surnom de Scipion le Temporisateur. Le plus cocace dans cette utilisation du nom d’Hannibal est l’oubli par les hauts fonctionnaires socialistes soutenant Ségolène Royal, en réplique au comité Spartacus, que tous les éléphants sont morts, sauf un dit la légende, lors de cette traversée des Alpes.

Finalement, deux autres figures sont apparues hier, prenant position comme Spartacus en faveur de François Bayrou : les Gracques. Ces deux frères ont été tribuns de la plèbe sous la république romaine, en -133 pour Tiberius Sempronius Gracchus, et en -124 pour Caius Sempronius Gracchus. Ils ont défendu des mesures sociales importantes, notamment la redistribution des terres alors que le niveau de vie des paysans, qui formaient une part très importante de la population, s’était gravement détérioré tout au long du IIe siècle av. J.-C. Dans les deux cas, une lutte entre le Sénat et chacun des deux frères a abouti à leur mort.

On peut donc se demander si le choix des pseudonymes des héros antiques autour de François Bayrou n’est pas fait un peu trop vite : ses partisans comme ses opposants ont opté pour un personnage historique qui est mort de façon violente. Certes, c’est à peu près le cas de tous les personnages importants de l’Antiquité. Quoi qu’il en soit, nous espérons que ce bref aperçu historique vous donnera de nouvelles perspectives…

Nicolas Condom.